Mots clés : Répression, Manifestations, Civils, SYRIE
Par lefigaro.fr
27/04/2011 | Mise à jour : 14:31 Réactions (41)

Sur cette image tirée d'une vidéo réalisée par un groupe syrien de défense des droits de l'homme, un homme lance un projectile sur un char, à Deraa. Crédits photo : Sham News Network/AP
Paris, Londres, Berlin, Rome et Madrid condamnent «l'escalade de la répression» en Syrie et souhaitent «voir cesser sans délai le recours à la force».

L'ambassadeur de Syrie en France, Lamia Shakkour, a été convoqué mercredi au ministère des Affaires étrangères pour se voir notamment signifier la condamnation par Paris «de l'escalade de la répression» dans son pays. «Nous voulons lui rappeler, notre demande de voir cesser sans délai le recours à la force contre la population et notre demande de libération de tous les détenus politiques», a indiqué Bernard Valero, porte-parole du Quai d'Orsay. Cette convocation s'inscrit «dans le cadre d'une démarche coordonnée avec le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie» qui ont également demandé à recevoir l'ambassadeur de Syrie dans leur pays respectif, a-t-il précisé.
Depuis Rome, où se tenait un sommet franco-italien, Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi ont fait part mardi de leur «préoccupation» sur la situation. «Nous adressons un appel fort pour arrêter la répression violente et mettre en oeuvre les réformes annoncées», a déclaré le chef du gouvernement italien. «On n'envoie pas des chars, l'armée face à des manifestants, la brutalité est inacceptable», a pour sa part déclaré le président français.
Nicolas Sarkozy a toutefois exclu une intervention militaire sans une résolution préalable du Conseil de Sécurité de l'ONU, «qui n'est pas facile à obtenir». «Il ne peut pas y avoir deux poids, deux mesures. Nous sommes aux côtés des peuples arabes dans leurs aspirations à la liberté», a-t-il commenté, notant qu'il s'agit d'un «choix historique».

Guido Westerwelle, ministre allemand des Affaires étrangères.Crédits photo : JOHANNES EISELE/AFP
Les gouvernements de l'Union européenne se réuniront vendredi pour discuter de la possibilité d'imposer des sanctions contre la Syrie, a dit un porte-parole de la Commission européenne, mercredi. «Toutes les options sont sur la table», a -t-il déclaré à la presse Michael Mann.
L'Allemagne a annoncé qu'elle était favorable à la prise de mesures de rétorsion contre le gouvernement syrien, auteur d'une répression qui a déjà fait 453 morts, selon un bilan fourni par l'observatoire syrien des droits de l'homme.
Si les Vingt-sept se mettent d'accord, les sanctions pourraient commencer par un gel des avoirs syriens et une restriction sur les déplacements des représentants et diplomates de ce pays.
Des tirs ont entendus dans la nuit à Deraa, ville du sud de la Syrie où l'armée syrienne est entrée en force lundi et a ouvert le feu sur les habitants. «De nouveaux renforts des forces de sécurité et de l'armée sont entrés à Deraa», a indiqué un militant des droits de l'homme, Abdallah Abazid qui fait état de «tirs contre les habitants» de cette ville située à 100 km au sud de Damas. Selon lui, «au moins six martyrs» ont été tués mardi, dont l'imam d'une mosquée. «Des chars sont postés et des barrages installés aux entrées de la ville», empêchant les gens de pénétrer à Deraa, a ajouté le militant.

L'intervention massive des troupes à Deraa a fait plus de 30 morts en deux jours selon des militants des droits de l'homme.
À Douma, à 15 km au nord de Damas, un témoin a également fait état mardi d'un déploiement «dans tous les quartiers» d'agents des forces de sécurité qui «contrôlent l'identité des gens dans les rues».
L'Organisation syrienne des droits de l'homme (Sawassiya) a fait état mardi d'«au moins 400 personnes» tuées par les forces de sécurité depuis le déclenchement de la «révolution». Elle a réclamé la tenue «rapide» d'une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU «pour faire cesser l'effusion de sang».
Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a fait part de son «inquiétude croissante» concernant cette répression sanglante.
Parallèlement, l'ambassadeur de Syrie Bachar Jaafari a rejeté toute idée d'enquête internationale. «Nous allons mener l'enquête nous-mêmes, en toute transparence, nous n'avons rien à cacher», a-t-il dit. «Nous regrettons ce qui se passe, mais vous devez convenir que ces troubles et ces émeutes, dans certains de leurs aspects, masquent des intentions cachées», a-t-il dit, jugeant que leur but était de «déstabiliser la Syrie».
Le Conseil des droits de l'homme de l'ONU tiendra vendredi une session spéciale sur la situation en Syrie, à la demande des Etats-Unis, a indiqué ce mercredi un porte-parole onusien.
La Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne et le Portugal font par ailleurs circuler au sein du Conseil de sécurité un projet de déclaration condamnant la répression et appelant à la retenue. «Il s'agit (...) d'envoyer un message fort aux autorités syriennes leur signifiant que les yeux de la communauté internationale sont tournés vers la Syrie, et avec nos partenaires de l'UE et de la région sur la possibilité de mesures supplémentaires» a indiqué le ministre des Affaires étrangères britannique, William Hague.
Ce texte pourrait être rendu public mardi si les quinze pays du Conseil parviennent à un accord. Il contient un soutien, à l'appel du secrétaire général de l'ONU, à une enquête «transparente» après la mort de centaines de manifestants en Syrie ces dernières semaines et salue l'initiative du président Bachar el-Assad de lever l'état d'urgence en vigueur depuis cinquante ans dans le pays.
Le Liban, membre non-permanent de l'ONU pour la période 2010-2011, a fait savoir qu'il ne soutiendra pas cet appel. Le sujet est bien trop sensible au pays du Cèdre, divisé entre les pro-syriens, menés par le Hezbollah chiite, et les opposants, emmenés par le premier ministre Saad Hariri.
Par ailleurs, les diplomates occidentaux cherchent à empêcher la Syrie de faire partie en mai du Conseil des droits de l'homme de l'ONU. Ce conseil de 47 Etats-membres est renouvelé d'un tiers chaque année. Afin de garantir la représentation de chaque grande aire géographique, les pays sont répartis en blocs, chacun ayant un nombre alloué de sièges.
Cette année, quatre sièges sont vacants pour l'aire asiatique, qui comprend également les pays du Moyen-Orient, Syrie inclue. Or, seuls quatre pays, dont la Syrie, ont fait part de leur volonté à participer à cette élection. La Syrie sera donc automatiquement élue, sauf si les diplomates occidentaux réussissent à inciter un ou plusieurs autres pays du bloc asiatique à briguer un siège. Cette option est actuellement étudiée, selon des sources diplomatiques.
Les 22 membres de la Ligue arabe ont adressé mardi un communiqué exhortant «les régimes et gouvernements arabes à s'engager dans des réformes et les accélérer, en cessant immédiatement de recourir à la force contre des manifestants et à épargner le sang de leurs propres citoyens.» Si l'organisation ne montre du doigt aucun pays en particulier, elle souligne que les révolutions en Tunisie et en Egypte et les révoltes en Syrie, en Libye et au Yémen sont annonciatrices «d'une nouvelle ère arabe conduite par des jeunes en quête d'un meilleur présent et d'un avenir plus brillant.» La Ligue arabe a également convoqué une réunion extraordinaire des ministres des Affaires étrangères des 22 pays membres le 8 mai.
Le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a téléphoné à Bachar el-Assad pour l'appeler à la «retenue», tandis que l'ambassadeur turc à Damas a rencontré le premier ministre syrien Adel Safar pour lui faire part de sa «profonde préocuppation et du chagrin face à la perte de nombreuses vies.»
Ankara entretient des relations de longue date avec Damas, dans le cadre de son influence au Moyen-Orient. Membre de l'Otan, elle tente actuellement de préserver ces liens, notamment économiques, avec la Syrie tout en encourageant le régime de Bachar el-Assad à accéder aux exigences démocratiques de sa population. Ankara, qui partage 880 km de frontière avec la Syrie, craint également que les troubles ne provoquent une vague d'immigration dans son territoire.
L'évolution de la situation a amené l'administration Obama, critiquée pour son attentisme, à réagir. Un haut responsable américain a précisé qu'elle envisageait l'adoption de «sanctions ciblées» , parmi lesquelles un gel des avoirs et une interdiction de faire des affaires aux États-Unis pour les hauts dirigeants syriens.
(Avec AFP, AP et Reuters)
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