Les Etats-Unis ont la capacité d’aider les Libyens à vaincre Kadhafi
Si des mercenaires arrivent pour sauver le dictateur, les Etats-Unis et l’ONU doivent se mobiliser pour arrêter le massacre.
Adapté par Marc Brzustowski
Pour © 2011 lessakele et © 2011 aschkel.info
http://online.wsj.com/article/
SB10001424052748704476604576158584257313372.html
Mouammar Kadhafi est l’un des despotes les plus méprisables au monde. Depuis 42 ans, il a retenu ses sujets au cœur d’une prison d'effroi, qui, par comparaison, ferait ressembler l’Egypte de Moubarak à un pays libre. Il a entraîné et soutenu des serial-killers comme Charles Taylor et Foday Sankoh, alimentant d’horribles guerres au Libéria, en Sierra Leone et dans d’autres pays d’Afrique, qui ont fait des centaines de milliers de morts, parmi les Africains – on estime les pertes de la seule guerre au Libéria à 200 000 morts, soit 5% de sa population. Et c’est bien lui, et non son agent Abdel Baset al-Meghrabi, qui a été accueilli en héros, une fois de retour en Libye, l’an dernier – et sur lui que porte la responsabilité ultime de l’attentat contre le vol 103 de Pan Am et la mort de 270 civils innocents.
Il est difficile de comprendre pourquoi les Etats-Unis restent équivoques, alors qu’ils devraient exprimer un soutien clair pour les Libyens remarquablement courageux que Kadhafi est en train de massacrer [sous nos yeux]. Il n’y a aucun moyen de savoir ce qui pourrait faire suite au renversement du dictateur libyen, alors que Kadhafi s’est assuré qu’aucune gouvernance alternative ne puisse seulement montrer son visage, qu’aucun groupe émanant de la société civile ne puisse s’organiser, et que des mercenaires étrangers se renforcent, pour remplacer ce genre de militaires professionnels qui ont agi avec discernement en Tunisie et en Egypte. La menace que des groupes islamistes – parmi les seuls capables de s’organiser dans de telles conditions de répression extrême – puissent exploiter un vide politique libyen est patent. Mais il n’y a pas de raison d’espérer, non plus, en une continuation de la sinistre bouffonnerie de Kadhafi.
Les Etats-Unis doivent s’engager, sans plus attendre, aux côtés du peuple libyen – et de nos principes et valeurs. Plus longtemps le bain de sang en cours se poursuivra, pire sera ce qui en découlera. Le silence des Etats-Unis, au cours de ces derniers jours cruciaux nous a valu les railleries de commentateurs dans les médias arabes, qui ont republié avec délectation la photo, datant de 2009, de la Secrétaire d’état Hillary Clinton en compagnie de l’un des fils les plus atroces de Kadhafi, Mutassim [ndlr : à la tête de la répression à Tripoli, actuellement]. Nous n’obtiendrons plus la moindre écoute d’une Libye de l’après-Kadhafi si c’est ainsi que nous continuons à être perçus.
Une déclaration claire de soutien américain serait déjà significative par elle-même. Mais la situation requiert une action d’urgence, et pas seulement de la rhétorique améliorée. Malheureusement, nos options ne sont pas ce qu’elles auraient dû être si les décideurs politiques américains, depuis des années, avaient développé des relations avec des forces d’opposition potentielles. Quoi qu’il en soit, il y a énormément de choses que nous devons prendre en considération.
Il existe une pénurie désespérante de fournitures médicales dans les rares hôpitaux de Benghazi. L’Associated Press rapporte que des Libyens vivant en Egypte font passer des produits d’urgence en Libye. Ayman Shawki, un juriste de la ville frontalière égyptienne de Matrouh a fait savoir que la puissante tribu Awlad Ali, dont les membres vivent dans la zone frontalière, se sont portés volontaires pour transporter ces produits en Libye. Les Etats-Unis pourraient les y aider directement ou encourager des organismes de dons privés à déployer de tels efforts, comme on l’a fait pour le Tsunami en Indonésie ou le tremblement de terre en Haïti.
Les Etats-Unis devraient également faire pression pour la suspension de la Libye en tant que membre du Conseil des droits de l’homme à l’ONU. On devrait enquêter sur la crédibilité des informations disant que les responsables d’Ambassades de Libye ont menacé les étudiants aux Etats-Unis, pour les forcer à assister à des manifestations favorables au régime, à Washington. Et une enquête devrait être diligentée de façon urgente au sujet des rumeurs que des hommes de main du dictateur tunisien Zine El Abidine Ben Ali organisent des avions bourrés de mercenaires à destination de la Libye. Si ces rumeurs ont quelque consistance, les Etats-Unis doivent travailler avec les responsables en France, en Tunisie et partout ailleurs, pour mettre immédiatement un terme à une telle activité.
Peut-être que l’assistance la plus pertinente que les USA pourraient apporter serait de briser le blocus des communications grâce auquel le régime Kadhafi est en train d’isoler le peuple libyen et de dissimuler ses derniers crimes. Un tel effort peut inclure le simple fait de distribuer des cartes SIM aux Libyens qui ne peuvent plus utiliser leurs téléphones ou qui redoutent que leurs appels téléphoniques ne soient plus sécurisés.
Il y a encore bien plus que les départements et agences du Gouvernement américain peuvent faire pour assister le peuple libyen – particulièrement pour déverrouiller le blocus sur les communications- , mais cela exigerait une déclaration de politique claire, laquelle a, jusqu’à présent, fait défaut.
Depuis des jours, les porte-parole de diverses administrations, dont celui de la Présidence, n’ont rien su faire de plus que de réciter le mantra selon lequel « les Gouvernements du Bahreïn, de Libye et du Yémen » devraient faire preuve de « retenue pour répondre aux manifestations pacifiques », comme s’il s’agissait surtout de montrer qu’il n’y a aucune différence entre les erreurs des dirigeants du Bahreïn et les records de brutalité, de terreur et de massacres des manifestants pacifiques par Kadhafi.
Dans la rencontre avec la presse de dimanche sur NBC, l’Ambassadrice des Etats-Unis à l’ONU, Susan Rice a refusé de répondre clairement à la question de savoir si Kadhafi était en train de tuer des manifestants, rétorquant plutôt qu’« il y a eu moins de violence, vraiment très peu à Tripoli », alors qu’ « à Benghazi –les zones côtières- nous sommes très préoccupés au sujet des rapports disant que les forces de sécurité tirent à balles réelles contre les manifestants pacifiques ».
Plus tard, ce même dimanche, le Département d’Etat a juste commencé à feindre de combler son retard sur les évènements, en publiant une déclaration qui appelait les responsables libyens à mettre en application « leurs engagements déclaratifs… à préserver les droits des manifestants pacifiques » et à « tenir pour responsable tout officier de sécurité qui n’agirait pas en concordance avec ces engagements ». Presque aussitôt après que cette déclaration ait été faite, quoi qu’il en soit, cela n’a pas empêché le fils de Kadhafi, Saïf, de diffuser son discours répugnant, menaçant ses sujets de grabuge et de guerre civile. De façon stupéfiante, un membre important de l’Administration, qui a préféré rester anonyme, a alors déclaré devant CNN, que la Maison Blanche était en train « d’analyser » ce discours, pour voir « les possibilités qu’il offrait en matière de réformes significatives ».
Associated Press
Moammar Gadhafi in a video image broadcast on Libyan state television Tuesday
Sur la Libye, même le gouvernement britannique s’est montré plus réactif que l’américain. Samedi, le Ministre des Affaires étrangères britannique, William Hague a condamné la « violence inacceptable » de Kadhafi contre les manifestants et exprimé ses préoccupations au sujet des rapports faisant état de tirs à l’arme lourde et de snipers contre les protestataires. Ces rapports, a dit M. Hague, « sont horrifiants. Et… juste parce qu’il n’y a pas de caméras de télévision présentes sur place… cela ne signifie pas que le monde ne voit pas -ni ne comprend- ce qui se passe ».
On peut remercier le ciel, la politique américaine semble avoir un peu progressé, depuis. « Il est temps, désormais, de mettre un terme à ce bain de sang innacceptable », a déclaré la Secrétaire d’Etat Hillary Clinton, dans un discours puissant, même s’il arrive un peu tard, lundi. Mais encore, elle a coupé court aux appels à une transition rapide du pouvoir, comme l’Amérique aurait pu le faire, tel que cela s’est passé, en regard des évènements en Egypte.
Ce que les Etats-Unis devraient réellement faire, maintenant, c'est de lancer des enquêtes sur la foi des rapports disant que des mercenaires traduisent par leurs exactions les menaces de Saïf de renvoyer le pays à l’âge de pierre. Si ces rapports sont véridiques, les Etats-Unis doivent pousser le Conseil de Sécurité des Nations-Unies à décréter une action [y càmpris militaire] pour arrêter le massacre.
Mr. Wolfowitz, est conférencier épisodique à l’American Enterprise Institute, il a servi l’état en tant qu’assistant au Secrétariat de la Défense et en tant qu’Ambassadeur des Etats-Unis en Indonésie.