Un ancien officier des services de sécurité, libéré vendredi après avoir purgé une peine pour divulgation d’informations confidentielles, a déclaré disposer de preuves de l’implication possible de Moscou dans l’assassinat d’Alexandre Litvinenko.
Mikhaïl Trepachkine, ancien officier du FSB, avait été condamné pour divulgation de secrets d’Etat en 2004, après avoir accusé d’anciens collègues d’implication dans des attentats meurtriers commis avant les législatives de 1999.
Quelques heures après avoir été libéré de prison, il a déclaré à Reuters qu’un responsable du FSB lui avait dit, en 2002, qu’une équipe était en train d’être mise sur pied pour "éliminer" Litvinenko.
Un porte-parole de la FSB s’est refusé à tout commentaire sur ces allégations. Des responsables russes ont dit par le passé que les accusations impliquant Moscou dans le décès de Litvinenko, un ancien agent du FSB, étaient absurdes et que l’affaire servait aux ennemis de la Russie à la discréditer.
Litvinenko a succombé il y a un peu plus d’un an à Londres à un empoisonnement au polonium 210, une substance radioactive.
Après s’être installé en Grande-Bretagne, Litvinenko était devenu un associé de Boris Berezovski, un oligarque qui a quitté lui aussi la Russie pour le Royaume-Uni et critique ouvertement le président russe Vladimir Poutine.
"J’ai rencontré en août 2002 un agent du FSB qui a dit qu’une équipe très sérieuse avait été formée pour éliminer tous ceux liés à Berezovski et à Litvinenko et à les éliminer eux aussi", a déclaré Trepachkine, 50 ans, interrogé au téléphone par Reuters.
"Il est évident que ce groupe était composé d’employés et d’agents du FSB. Les gens du FSB ne travaillent que sur l’ordre de leurs supérieurs", a-t-il ajouté. "La théorie selon laquelle le FSB est responsable doit faire l’objet d’une enquête."
"J’AI RÉUSSI À SORTIR DE CET ENFER"
Dans une lettre écrite par Litvinenko, selon son entourage, sur son lit de mort à Londres, ce dernier accuse Poutine d’être responsable de son décès, des allégations que le Kremlin a vivement rejetées.
Les autorités avaient interdit à des policiers russes, l’an dernier, d’aller interroger Trepachkine lorsqu’ils étaient venus en Russie pour enquêter sur l’affaire Litvinenko.
Des procureurs britanniques ont dit par la suite qu’Andreï Lougovoï, un autre ex-officier du KGB, devait être jugé pour ce meurtre. Lougovoï nie toute implication.
Trepachkine et Litvinenko font partie d’un groupe d’officiers du FSB qui avaient donné en 1998 une conférence de presse à Moscou - pour certains, le visage dissimulé par une cagoule - pour dire qu’ils avaient reçu l’ordre de tuer Berezovski.
Trepachkine a par la suite accusé le FSB, principal successeur du KGB de l’époque soviétique, d’implication dans une série d’attentats à la bombe qui avaient fait près de 300 morts en 1999 en Russie. Des responsables avaient imputé les attentats à des activistes tchétchènes.
Il a été emprisonné en 2004 par un tribunal militaire pour avoir divulgué des informations confidentielles, un dossier selon lui monté de toutes pièces pour sanctionner les révélations qu’il a faites.
Il a dit que le FSB l’avait accusé d’avoir divulgué des informations confidentielles au MI5, services secrets intérieurs britanniques, via Litvinenko et Berezovski.
L’emprisonnement pour quatre ans de Trepachkine a été vivement critiqué par des organisations de défense des droits de l’homme qui jugent cet emprisonnement motivé par le désir de vengeance du FSB.
Ce père de cinq enfants s’est dit très impatient de voir son épouse et de rentrer chez lui. Il a été détenu dans la ville de Nijni Taguil, dans l’Oural, à 1.450km à l’est de Moscou.
"Je me sens euphorique, j’ai enfin réussi à sortir de cet enfer", a-t-il dit. "Je m’estime totalement innocent. Ils ont fabriqué les accusations contre moi de manière criminelle et atroce. C’est en partie par vengeance, en partie pour m’empêcher de découvrir qui étaient vraiment les auteurs des attentats (de 1999)."