Toujours est-il qu’à l’issue de ce scandale, un organisme, l’OABA : Œuvre d’Assistance aux Bêtes d’Abattoirs, a pris l’initiative d’exiger du Sénat qu’il audite l’ensemble de la filière d’abattage, de A à Z, … à commencer par les pratiques que cette ONG a en sainte horreur : celles concernant l’abattage rituel.
Au cours des dernières années, un affichage sauvage avait réuni plusieurs associations (Brigitte Bardot et consorts) militant dans le même sens, dont le but est d’interdire toute pratique sans étourdissement préalable : il figurait un pauvre bovidé, promis à l’abattoir, avec la légende suivante : cet animal va être égorgé sans étourdissement et dans de grandes souffrances. C’est ça, un abattage « rituel ». Ce dernier terme se distinguant des autres, en couleur rouge sang.
Première remarque : l’organisme à l’origine de la convocation des représentants du Consistoire (MM Joël Mergui et Bruno Fiszon), est tout sauf impartial, neutre dans sa demande. Et les membres de la commission du Sénat doivent « faire la part du feu », ou « trancher », sans mauvais jeu de mot.
Ce groupement était déjà parvenu à interpeller François Fillon, alors Premier Ministre, au plus fort de la campagne présidentielle, qui s’était fendu d’une déclaration incendiaire, en mars 2012 :
« Les religions devraient réfléchir au maintien de traditions qui n’ont plus grand-chose à voir avec « l’état de la science » d’aujourd’hui ». Nicolas Sarkozy s’était affirmé en faveur de l’étiquetage en fonction du mode d’abattage, après une mise en bouche, made in Front National , tel que ce parti a le chic et l’opportunisme de créer la polémique en fonction d’un calendrier électoral.
Un autre tour d’esprit qu’on s’évitera, au risque de s’étourdir (et de s’égarer) concerne le choix du « rapporteur(e) » de cette commission « d’information » : Madame S. Goy- Chavent, qui appartient à la famille centriste, l’UDI, mais qui, de bout en bout, affirme son parti-pris défavorable à l’abattage rituel.
Les arguments du Consistoire sont simples à entendre : il s’agit, d’abord, de défendre un principe élémentaire de liberté de conscience. L’abattage rituel juif représente 1% de la consommation française de viandes, soit environ 60.000 bêtes par an. Le Shohet, que le français traduit, de façon connotée, comme « sacrificateur », est payé, formé par le Consistoire. Toute la chaîne est vérifiée de bout en bout, ce qui a un coût pour l’administration consistoriale qui s’en charge, mais ne dégage aucune ressource supplémentaire que l’entretien de ce circuit et des diverses tâches qui s’y rapportent.
A la question sur la charge financière engendrée et pour qui, par le déclassement de certaines bêtes (40%) impropres à la labélisation « casher », Joël Mergui répond que, finalement, l’animal est réintroduit dans le circuit courant, à la seule charge du Consistoire, pour les étapes antérieures. Selon Mme Goy-Chavent, ce surplus est, bel et bien « commercialisé » dans le circuit courant, à « l’insu de l’acheteur ».
L’un des participants de la commission rappelle à, au moins, deux reprises, que le circuit général ne paie rien, mais qu’il est, au contraire, bénéficiaire net de ces parties, souvent, arrière de la bête, en fonction de la difficulté à extraire le nerf sciatique. Il s’agit, alors, pour le consommateur, de larécupération d’un volume de viandes intéressant, doté de toutes les garanties sanitaires imposées à la cacheroute.
Néanmoins, Mme Goy-Chavent insiste sur le soupçon que cela pourrait générer indirectement de l’argent indû, au bénéfice de la Communauté et de ses représentants. Voyant qu’elle a du mal à faire entendre sa suspicion, elle se rabat sur un cheval de bataille des ONG qu’elle représente : l’exigence de « transparence » qui voudrait que l’animal non-étourdi soit homologué comme tel. Elle estime que le consommateur laïc ne voudrait pas d’une viande abattue rituellement, comme s’il s’agissait d’une forme de prosélytisme par « intoxication alimentaire », en quelque sorte.
Or, depuis le début, il est facile de comprendre ce qu’elle a en tête en invoquant cette « exigence », qui rappelle, ni plus ni moins, que le présupposé de la campagne d’affichage, au nom de laquelle elle fait sa Commission : il s’agit de stigmatiser tout abattage rituel comme « cruel », sans autre forme de débat, de procès ou d’explication.
Les représentants consistoriaux ne sont dupes, à aucun moment, des implicites et motifs de leur présence devant le Sénat. Rapidement, ils ramènent leur interlocutrice au fond du débat contradictoire qu’elle entend mener et qui empêche les autres membres de se concentrer sur lesaspects réellement techniques de la méthode d’abattage.
Le Judaïsme, en particulier, aurait-il pour vocation, comme le prétend la campagne d’affichage citée, d’infliger un surcroît de souffrance à l’animal ? Ou l’usage d’une lame fine tranchant avec habileté, le cou de la bête - dotée du fameux "polygone de Willis"- en moins d’une seconde, est-il un procédé plus sûr que le prétendu étourdissement ? Selon les chiffres de l’INRA, cette pratiquemanque 16% des animaux traités et les envoie à la mort sans vérification de leur état de conscience (seule source mesurable d’une « souffrance » : la certitude de la fin proche)…
On relève, à plusieurs reprises (avec « l’argent généré » par le don au circuit général), les tournures stigmatisantes employées par Mme Goy-Chavent : lorsque, parmi cinq ou six grands noms d’experts anglo-saxons, le Rabbin Bruno Fiszon a le malheur de nommer un scientifique dont le patronyme se termine en « -Stein ». Le bon sang de Madame le Rapporteur(e ) ne saurait mentir : il est évident qu’étant Juif, ce savant ne saurait être ni exhaustif ni objectif ni, par conséquent, éthique et donc, forcément partie prenante.
Par ce genre d’allusions aussi maladroites que répétitives, cette dame chargée d’une mission « d’information » semble exclure des professions vétérinaires et d’avis sur la question l’ensemble de ses membres ayant la moindre origine juive.
Malheureusement, c’est avec de tels poncifs qu’on fait des Commissions Théodule, en France. Loin de crier au préjugé, qui s’immisce, lapsus révélateur, dans le « débat », la ficelle paraît trop grosse à ses propres homologues, qui ne voient guère de vraies raisons fondées de la suivre sur ce terrain glissant.
Hormis les manqués de l’étourdissement, la commission omet encore de s’intéresser au sort de l’animal chassé, à la Corrida, au fait que l’hypocrisie consiste à vouloir de la viande dans son assiette, mais qu’on eût aimé que l’animal n’ait pas eu à mourir pour finir seul et en morceaux de choix, face au consommateur. Celui-ci pourrait avoir tout loisir de se convertir à la cuisine végétarienne pour s’assurer qu’il est vraiment innocent dans toute cette affaire…
Au total, triomphante quand même, Mme la rapporteur(e ) s’exclame : « On va réfléchir à un étiquetage « modéré ».
De quoi s’agissait-il ? De dresser une partie des consommateurs qui ne sont lésés en rien, au contraire, à rejeter, d’abord, une viande originaire du circuit « casher », mais déclassée comme impropre. Dans un même souffle, de se méfier de tout ce circuit comme nécessairement « cruel », même si la méthode employée et toutes les vérifications effectuées démontrent le contraire. Au bout du compte, on doit s’assurer que toute cette « focalisation » contre certaines pratiques ne finira pas par rejeter les Juifs de France et d’Europe pratiquants « à la mer », en tant que « dommages collatéraux » d’un combat qui avance masqué :
soit pour la « moindre souffrance animale », et ce serait louable, en soi, qui ne s’en préoccupe pas ?
à moins que ce ne soit une forme de résistance implicite contre les risques liés au prosélytisme musulman, que ceux qui s’attaquent à la cacheroute n’ont pas le courage de mener de face, au nom d’un « égalitarisme » de façade... ?
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Libre commentaire : Marc Brzustowski