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Les racines de la crise
Stéphane, Le Meilleur des Mondes, le 18 Sep 2008
Les railleries volent bas en ce moment. Une plaisanterie courue consiste à surnommer les Etats-Unis les USSA - United Socialist States of America - en référence à la façon dont la banque centrale américaine et le gouvernement volent au secours des acteurs d'un marché financier en proie à la panique. Il ne reste plus grand-chose de la prise de risque inhérente au capitalisme dès lors que l'Etat décide de se porter garant en cas de problème. Rien ne vaut un excellent dessin de Chapatte pour illustrer la situation...
Méritent-ils toute cette aide? La question mérite d'être posée, car l'influence de l'Etat n'est pas sans conséquences. Il y a bien sûr la noblesse de se porter en sauveur; sauveur d'entreprises, sauveur d'emploi... Le beau rôle dans l'opinion publique, parmi ceux qui n'y comprennent strictement rien en économie. Mais aussi sauveur d'un système proche de l'effondrement parce que vicié et mal géré: on sauve donc aussi l'inefficacité, la prise de risque excessive, l'exposition entraînée par des placements décidés par des gestionnaires incompétents et dont c'était pourtant le métier. L'argent dont dispose l'Etat ne pousse pas sur les arbres. Il vient des impôts, donc des contribuables. Quant à la Fed, si elle peut éventuellement imprimer de la monnaie, elle en déprécie la valeur et provoque de l'inflation. Tout le monde est donc perdant.
Histoire d'en rajouter une couche, le remède risque de ne pas suffire. L'exemple d'AIG est édifiant. Comme l'expliquent plusieurs analystes dans une dépêche de l'AFP, l'intervention de l'Etat n'a même pas réussi à sauver la valeur de l'entreprise. L'apport d'argent frais sous forme de prêt et les conditions afférentes ont pratiquement nationalisé la société de réassurance, l'Etat américain détenant 80% du capital au terme de l'opération. Que vaut une voix - une action - dans une démocratie participative où 80% des bulletins sont tenus par un seul acteur? Rien du tout, évidemment. Ceux qui espéraient encore des dividendes dans un avenir très lointain en seront aussi pour leurs frais, l'accord prévoyant que le gouvernement a le droit de veto sur le paiement des dividendes aux actionnaires. L'entreprise est promise à un démantèlement à moyen terme pour tenir ses engagements. Le sauvetage ressemble fort à un baiser de la mort.
La crise durera probablement quelques mois encore, voire une ou deux années. Le secteur bancaire se consolidera, les entreprises bien gérées s'emparant facilement de celles en déroute. Lorsque la fumée sera retombée, chacun se félicitera de la nouvelle reprise des affaires. Mais qui s'interrogera sur les raisons qui ont amené à cela?
"Les subprimes", répondent en choeur les spectateurs. Dont acte. Mais allons plus au fond des choses: pourquoi les subprimes?
On le sait, le maelström boursier planétaire est en grande partie dû à une mauvaise répartition des risques hypothécaires. Il faut encore comprendre comment ces fameux risques se sont créés. Un article de l'Investor's Business Daily du 15 septembre 2008 est à cet égard très instructif:
Obama a déclaré hier que la vague de banqueroutes liées aux subprimes était à mettre sur le compte du marché libre (...) mais c'était l'Administration Clinton, obsédée par le multiculturalisme, qui a décrété comment les vendeurs d'hypothèques pouvaient prêter, et qui a aidé à l'origine à créer le marché des subprimes qui infecte aujourd'hui comme une épidémie virale les bilans des institutions les plus respectables de Wall Street.
Des réglementations très strictes forçaient les organismes de crédit à s'aventurer dans des zones à risques où ils n'avaient pas d'autres choix que de conclure des hypothèques là où des règles de gestion sensées les auraient interdites. C'était ça ou s'exposer à de sévères amendes.
On passe sous silence dans cette crise nationale que le Président Clinton renforça le Community Redevelopment Act, une loi bienveillante de l'époque Carter, conçue pour encourager la propriété par les minorités. En faisant ainsi, il aida à créer le marché des prêts à risques que les Démocrates et lui décrient aujourd'hui comme non seulement cupide, mais "rapace".
Les Démocrates seraient donc bien avisés de ne pas jouer les oies blanches; d'autant plus que la supervision gouvernementale du marché américain des hypothèques a donné lieu à des détournements massifs, comme s'en emporte Rush Limbaugh:
"Fannie Mae et Freddie Mac ont décidé de graisser la pompe depuis quelques années. Ils l'ont bien graissée, encourageant toutes sortes d'hypothèques qui n'obligeaient à rien, amenant des gens à s'acheter des maisons qu'ils étaient incapables de payer et poussant les prix de l'immobilier au-delà de tout réalisme. (...) [Ces gens sont] des politiciens de Washington, principalement les gauchistes aux commandes de Freddie Mac et Fannie Mae, achetant des votes, comme toujours, utilisant l'argent public pour faire avancer leur carrière et se remplir les poches. (...) Le président [Clinton] et le Congrès, ensemble, ont insisté pour que les hypothèques soient accessibles à des gens de plus en plus pauvres, ce qui signifiait que des gens avec peu de biens et peu de revenus devaient quand même obtenir des hypothèques en étant incapables de les payer si l'économie ne s'améliorait pas... Et c'est exactement ce qui s'est passé."
Et une dernière réplique pour la route:
"Mesdames et messieurs, cela me brise le coeur de voir blâmé le capitalisme même par des gens de notre bord qui s'agitent en réclamant "plus de réglementation". C'est le langage codé pour dire que le libre marché est incapable de se réguler tout seul. La responsabilité et les réglementations ne sont pas la même chose. Les gens veulent de la responsabilité. Je ne pense pas qu'ils s'intéressent vraiment à toutes ces réglementations.
Cette affaire est sérieuse. Où est le procureur extraordinaire? Où est Eliot Ness quand on a besoin de lui? Ceci est un échec monumental du gouvernement, des réglementations gouvernementales et du Congrès, et ils font passer tout cela comme une faillite monumentale du secteur privé. Dire que nous avons besoin de plus de gouvernement et de régulation n'est pas utile. Nous avons besoin de responsabilité. Vraie réforme ou pas, je n'en sais rien, mais je suis fatigué d'entendre le mot "réforme" de la bouche de chaque politicien impliqué dans cette campagne [présidentielle] parce que le mot "réforme" est un nom de code pour plus d'intervention étatique. Ce que nous voyons droit devant nous est l'échec d'un gouvernement à gérer ces choses à force de micro-manager, de réglementer, de politiser toutes ces institutions. Comment se fait-il que nous connaissions le nom de Ken Lay [PDG d'Enron] mais aucun de ceux impliqués dans ce scandale? Je vais vous le dire. Parce que les noms de ces gens sont des noms comme Dodd, Chris Dodd, du Connecticut, Franklin Raines, membres de l'équipe chargée de l'économie dans le camp d'Obama, qu'ils ont du quitter précipitamment Fannie Mae à la suite d'accusations de fraude. Jim Johnson, actuellement conseiller économique dans la campagne d'Obama avec Frank Raines, a lui aussi travaillé à Fannie Mae.
Pendant toute la médisance sur Halliburton - donnez-vous la peine d'y penser - pendant cinq ans nous n'avons entendu que des Halliburton a corrompu ceci, Halliburton est corrompu, Halliburton vole, Halliburton-Cheney et ainsi de suite, la classe politique et ses relais, les gauchistes ont vomi sur Halliburton, mais Halliburton n'a rien fait de tout cela. Le crime d'Halliburton est d'avoir soutenu [les troupes américaines]. Pourquoi aucune morgue équivalente contre Fannie Mae et Freddie Mac? Je vais vous le dire, parce qu'ils sont ce qu'ils sont et ils ont fait ce qu'ils ont fait à cause des politiciens de gauche à Washington.(...)
Sénateur Obama, le gouvernement ne peut pas se permettre de vous avoir à sa tête. Nous ne pouvons vous accepter d'aucune manière, sorte, forme, qu'elle soit financière, culturelle, politique, structurelle; nous ne pouvons pas nous permettre d'accueillir des gens qui croient que la solution aux problèmes qu'ils ont créés est de promouvoir les gens à l'origine de ces problèmes."
Tout est dit.
(merci à l'indispensable François Guillaumat pour les sources de ce billet.)