Ce n’est un secret pour personne que la Maison Blanche s’ingère dans les processus politiques internes en Israël. Par exemple, lors des élections de 1992, l’Administration Bush le père avait manœuvré par le truchement de l’Ambassade américaine à favoriser la victoire du tandem Itzhaq Rabin/Shimon Pérès au détriment d’Itzhaq Shamir. Le Premier Ministre Shamir avait alors exaspéré le Secrétaire d’Etat James Baker et le Président Bush par son refus constant faire des concessions sur la Terre d’Israël. Lors des élections de 1996, l’Administration Clinton n’avait pas réussi à empêcher la victoire de Binyamin Netanyahou face à Shimon Pérès. Pour les élections de 1999, le Président Clinton avait mieux manœuvré en dépêchant son consultant d’image de marque électorale pour la campagne d’Ehoud Barak et influer ainsi sur le résultat des élections israéliennes qui vit ce dernier accéder au poste de Premier Ministre. Aujourd’hui, un pas de plus est franchi. Bien que les prochaines élections ne soient pas à l’horizon, l’Administrations américaine s’emploie à engendrer des changements dans la direction politique israélienne.
Mercredi 9 juin, le blocus israélo-égyptien sur la Bande de Gaza est sur le point d’être totalement brisé. Dans un langage plus diplomatique, on dirait qu’il est arrivé à son terme. Ce qui indique de la façon la moins équivoque cette transition, c’est le départ du groupe d’ingénieurs américains qui se sont évertués pendant huit mois, à partir du mois de novembre 2009, à l’édification du mur d’acier tout au long de l’axe « Philadelphie ». L’édification de ce mur avait pour but d’obstruer les tunnels de contrebande du Hamas.
C’est ainsi qu’est abandonné le projet militaire américain dans lequel un demi milliard de dollars ont été dépensés. C’était la contribution active des Etats-Unis à resserrer le blocus sur la Bande de Gaza.
Tout en exerçant une pression immodérée sur le gouvernement Netanyahou, l’Administration Obama manœuvre pour octroyer à la Commission d’enquête israélo-américaine sur le drame de la flottille un pouvoir de coercition international de sorte qu’elle pourra entrainer le départ du Premier Ministre Binyamin Netanyahou et du Ministre de la Défense Ehoud Barak – ou du moins, à ce que leur autorité soit sérieusement entamée du fait de d’arraisonnement la flottille pour Gaza.
C’est la raison pour laquelle M. Netanyahou et le Cabinet ministériel de Sécurité Nationale (sept ministres en sont membres) ne parviennent pas depuis plusieurs jours à obtenir des réponses claires de la Maison Blanche sur la composition des membres de cette Commission d’enquête et sur l’étendue de son mandat. L’Administration américaine exige que ses représentants à cette Commission soient membres à part entière et non pas des observateurs passifs tels que le Premier Ministre et le Ministre de la Défense le suggèrent. C’est un précédent grave dans l’histoire de l’Etat d’Israël où des représentants officiels américains dans une Commission israélienne pourront décider directement du futur politique des personnalités israéliennes qui paraitront devant eux.
Dors et déjà, comme cela reflète sa méthode de travail caractéristique de ne prendre ses décisions seul, le Ministre de la Défense Ehoud Barak a dirigé tout seul l’opération de la prise de contrôle de la flottille turque. Il ne s’est pas concerté ni avec le Commandant en chef de Tsahal, ni avec les généraux de l’Etat major. Le seul avec qui il s’est entretenu et à qui il fait ses rapports était le Premier Ministre, et encore sans lui faire état de tous les détails.
Ni Netanyahou, ni Ehoud Barak ne se sont adressés une seule fois aux membres du cabinet ministériel de Sécurité nationale, y compris le Vice Premier Ministre, Moshé (Boogy) Yéelon, pour se concerter avec eux, ni même pour leur faire un rapport sur les détails du plan d’arraisonnement.
Un Commission d’enquête n’aura pas de difficulté à en conclure qu’Ehoud Barak et que Binyamin Netanyahou sont responsables de la situation.
A Washington, on espère qu’en sanctionnant Barak et Netanyahou, on pourra de la sorte redorer les relations bilatérales Etats-Unis/ Turquie.
Par conséquent, l’Administration américaine ne s’empresse pas de répondre à Israël, d’autant qu’elle désire coordonner la création de cette Commission d’enquête avec le début de la levée du blocus sur la Bande de Gaza et sur le Hamas.
L’ordre de départ du groupe d’ingénieurs civils américains a été donné lundi 7 juin par le Vice Président Joe Biden lors de sa visite officielle en Egypte.
Lors des rencontres avec les dirigeants égyptiens, Le Vice Président a insisté à débattre sur le blocus israélo-égyptien et sur la situation dans la Bande de Gaza.
Après l’arraisonnement de la flottille turque par les commandos israéliens, l’Administration Obama a déclaré qu’il fallait ouvrir les points de passage vers la Bande de Gaza, en d’autres termes, lever le blocus imposé par Israël et par l’Egypte.
Les ingénieurs américains et les militaires égyptiens qui ont travaillé ensemble ont exposé au Vice Président Biden un rapport désolant, à savoir que chaque mesure technique qu’ils ont engagée pour barrer les tunnels a échoué. Les ingénieurs du Hamas avec l’appui technique d’ingénieurs militaires syriens, iraniens et du Hezbollah introduits dans la Bande de Gaza ont réussi à surmonter les efforts américano-égyptiens.
A l’aide de brûleurs géants introduits en contrebande à Gaza, les équipes du Hamas ont réussi à percer à plusieurs endroits le mur d’acier érigé par les Américains. Ce mur avait été enfoncé jusqu’à 18 mètres de profondeur dans le sable pour bloquer les tunnels. Des pans entiers de ce mur ont tout simplement disparu. Le Hamas s’en sert comme matière première pour la construction de fortifications à l’intérieur de la Bande de Gaza.
Biden a pris la décision irrévocable d’abandonner le projet du mur d’acier, et à la place, au moyen de pompes apportant de l’eau de la Méditerranée, d’inonder les tunnels.
Mercredi 9 juin, on a rapporté au Caire que le Vice Président Biden et le leadership égyptien ont examiné l’éventualité d’ouvrir le passage d’hommes et de marchandises vers la Bande de Gaza sous la supervision d’inspecteurs égyptiens et européens s’assurant que des terroristes et des armes ne passent pas.
En fait, il s’agit des mêmes arrangements qui devaient être mis en place après le retrait israélien de la Bande de Gaza en aout 2005. Qu’est ce qui avait alors fait capoter cela? Les attaques terroristes du Hamas sur les inspecteurs européens qui avaient entrainé leur départ. Si les inspecteurs européens reviennent, ils feront face exactement au même problème et de plus, ils devront se confronter à une nouvelle menace, celle des groupes d’Al Qaeda opérant dans la Bande de Gaza.
La proposition avancée par le Vice Président Biden et la cessation des efforts américains à fermer hermétiquement les tunnels de contrebande engendreront de facto la levée du blocus sur la Bande de Gaza et l’intensification du passage libre d’armements pour le Hamas et pour Al Qaeda.
Dans une telle conjoncture, il sera très difficile pour Israël de maintenir le blocus maritime et d’empêcher que le port de Gaza ne devienne un port militaire iranien à proximité de la frontière avec l’Egypte et des centres urbains israéliens.