Le Proche-Orient arabe :
refuge des fugitifs nazis.
par Sacha Bergheim
pour Aschkel.info et Lessakele
Le concept d'« islamo-fascisme », ou encore celui de « nazislamisme », sont généralement rejetés au nom de deux principes : d'une part, l'accusation de filiation avec le totalitarisme nazi serait utilisée à des fins politiques contre l'islam en général – ce dont on pourrait douter au regard de l'expansionnisme musulman actuel – ; d'autre part, le national-socialisme serait le produit de la culture européenne et le monde musulman n'aurait aucun lien avec lui.
Cette seconde thèse, qui fonctionne comme la condition sine qua non de la première, est historiquement fausse. De surcroît, elle s'avère embarrassante pour ceux qui veulent voir dans les mouvements tels que le Hamas une « résistance » à l'impérialisme.
En réalité, les liens forts entre l'islam militant et le national-socialisme, sous toutes ses formes, mettent en pièce l'application caricaturale de la thèse marxisante d'une lutte contre l'Occident qui serait dérivée de la lutte des classes. Au contraire, l'étude de l'apport idéologique et logistique nazi à l'islam militant, tant avant qu'après la Seconde Guerre Mondiale, révèle la nature profondément impérialiste, violente, anti-occidentale du jihadisme mondial, tant des points de vue sociaux, politiques que militaires.
L'attirance du monde musulman pour le fascisme italien est avérée dès les années 1920, avec l'émergence de groupes paramilitaires essaimant dans tout le monde arabe, comme le Misr al Fatah en Egypte, les Futtuwa en Iraq,... Le cadre de pensée fasciste va servir de modalisateur intellectuel et social à l'expression d'une hostilité contre la Grande-Bretagne, puissance dominante de la région.
À la différence du leader indien, Subhas Chandra Bose, qui rompra avec le Congrès indien pour s'allier avec les Japonais afin d'obtenir la réddition britannique, sans pour autant adhérer à la réorganisation japonaise du monde asiatique, il ne s'agit pas d'une alliance temporaire d'intérêt commun.
Lors de son voyage en Orient à la veille de la déflagration de la Seconde Guerre Mondiale, la journaliste-voyageur Ella Maillart ne manquera pas de constater, dans les pays traversés, la sympathie récurrente pour le national-socialisme, et de regretter qu'un Afghan lui tende une édition de Mein Kampf en témoignage de sympathie...
Les alliances tissées entre les puissances de l'Axe et le monde arabo-musulman laissent voir l'étendue des emprunts au national-socialisme (comme par exemple, la thèse conspirationniste antijuive), mais surtout la parenté profonde entre les mouvements islamistes et national-socialistes : les exemples concrets ne manqueront pas, du mufti al Husseini, la division musulmane SS Handschar, le carré d'or de Rashi Ali, le putschiste irakien allié de l'Allemagne nazie, etc. Et aujourd'hui encore, un mouvement comme le Hamas considère le faux des Protocoles des Sages de Sion comme la source d'une politique internationale juive complètement fantasmée, caution arbitraire à sa politique de terreur.
La proximité de pensée entre ces deux idéologies anti-occidentales s'incarne ainsi dans le rejet viscéral de l'affirmation de la liberté individuelle, au profit de la primauté exclusive et définitive du groupe (le peuple aryen, l'umma). Elle passe par la soumission absolue au leader ou à la religion, impliquant l'identification totale entre la société et le monde spirituel (ce qui a pour effet l'exercice d'une domination sans faille du groupe sur les opposants qualifiés de « déviants », de « récalcitrants » ou d'« ennemis de dieu »).
Cela crée un champ de prédilection pour une vision hiérarchique des relations entre les cultures, les religions et les hommes (supériorité aryenne, supériorité islamique), et bien sûr le partage d'une détestation pathologique du fait juif. Ces éléments donnent libre cours à l'exercice d'une oppression destructrice contre les minorités religieuses (Chrétiens, Noirs en général) et d'une judéophobie confinant à l'appel au génocide, comme en témoigne le Farhud de 1941, littéralement le « progrome ».
L'eschatologie nazie (création violente d'un Reich de mille ans et domination des aryens sur les « sous-hommes ») rejoint ainsi le millénarisme islamique (l'instauration violente de la volonté divine par domination de l'islam sur toutes les religions déchues), avec en commun la projection sur le fait juif du même projet de domination violente qu'ils réalisent eux-mêmes.
L'appropriation, l'adaptation et la densification du contenu idéologique national-socialiste par les théoriciens islamistes, la reprise des méthodes de propagande, ou encore les pratiques de mise au pas de la société (reprise du concept nazi de Gleichschaltung) se sont faites en grande partie par le biais d'instructeurs nazis, qui, en particulier après conversion à l'islam, ont servi de cadres pour les régimes autoritaires égyptiens ou syriens notamment, et de fers de lance dans la guerre contre Israel.
La délégitimation d'Israel passe souvent par l'établissement d'un lien de continuité entre l'Etat d'Israel et la Seconde Guerre Mondiale, sous la forme d'une quelconque compensation, induite par la culpabilité occidentale (cela reviendrait à faire l'impasse sur la constitution sui generis d'une société juive, de Tel Aviv à Jérusalem en passant par Zikron Yaakov ou Metula, fondée sur l'agriculture, le progrès social, le pluralisme).
En revanche, le rapprochement entre le conflit israélo-arabe et le nazisme est induit par la participation d'anciens cadres nazis à la mise en oeuvre de la guerre d'éradication du peuple d'Israel. La parenté conceptuelle apparaît nettement : la lutte contre les Juifs, conçue dans l'Islam comme prélude à l'avènement de la fin des temps – selon les termes d'un Hadith précisant que le meurtre des Juifs en est la condition –, en d'autres termes, la perception du judaïsme comme entrave à la domination islamique mondiale, rejoignent et amplifient la perception nationale-socialiste du judaïsme comme entrave à l'avènement de l'aryen. L'idéologie nazie a permis de catalyser tant le désir de revanche du nationalisme arabe, après la nakba de 1920 (privation de la restauration de l'unité arabe par la politique de mandats) que l'éclosion de mouvements intégristes se faisant les agents sanguinaires d'une volonté divine fantasmée (ou, du point de vue nazi, de l'histoire comme sélection entre les races).
Conscients ou non de l'ancrage totalitaire des thèses antisionistes, nombre d'intellectuels qui se réclament du progressisme et de l'émancipation des peuples s'adonnent curieusement, à la diffamation, adoptant par là, a posteriori, la position de serviles agents des idéologues du Troisième Reich, et servant de caution morale à l'idéologie oppressive de l'islamisme.
Car dénier l'apport national-socialiste (également communiste) à l'islamisme revient à ignorer sa véritable nature : le produit hybride d'un intégrisme religieux, avec les méthodes de la rationalité scientifique dévoyée.
Les fugitifs nazis échappant à la justice, tous criminels, anciens SS, tortionnaires, propagandistes zélés Troisième Reich, ont servi les régimes répressives du Proche-Orient arabes dans les cercles militaires, pénitentiers, policiers, ainsi que dans le domaine de la propagande anti-juive.
L'histoire donne d'une certaine façon raison à Guy Mollet lorsqu'il affirmait la parenté de Nasser et de Hitler. S'il avait en tête le soutien du Raïs – le chef, le guide, le führer – au FLN algérien, il montrait du doigt, indirectement, l'ensemble des connexions nazies du nationalisme arabe.
Fugitifs nazis souvent convertis à l'islam | Responsabilités dans l'appareil totalitaire nazi | Reconversion dans les pays arabes |
Erich Altern devenu Ali Bella | Chef régional du SD (les services de sécurité de Himmler) délégué aux affaires juives en Galicie | En Egypte dans les années 50, conseiller militaire de l'armée égyptienne, et instructeur de commandos dans les camps palestiniens |
Erich Weinmann | Officier SS (Standartenführer) Chef du la SD à Prague | Consultant pour la police à Alexandrie. |
Walter Rauff | Chef du SD en Tunisie | En Syrie jusqu'en 1961 et au Chili |
Adolf Seipel, devenu Ahmed Zahir | Sturmbannfürher SS, tortionnaire à la Gestapo de Paris | Haut gradé au service de sécurité militaire du Caire |
Oskar Dirlewanger | Oberfürher Chef de la 36e division des Waffen SS | Établi d'après témoignage au Caire à partir de 1950 |
Alois Mose | SS Gruppenführer Recherché en Russie pour crimes antisémites | Instructeur de groupes paramilitaires de jeunesse au Caire. |
Hartmann Lauterbacher | Gauleiter de Hanovre-Braunschweig, officier SS Gruppenführer | Après différentes fuites et arrestations en Allemagne et Italie, il rejoint l'Egypte comme instructeur de commandos anti-israéliens. |
Oskar Münzel, devenu Mokhtar Menalhi | Général SS des blindés | Consultant militaire au Caire dans les année 50 |
Werner Birgel, devenu El Gamin | officier SS, chargé de la déporation des Juifs et des résistants | Établi au Caire au service du ministère de l'information |
Albert Thiemann, devenuAmman Kader | Officier SS en Tchécoslovaquie | Cadre au ministère de l'intérieur du Caire |
Bernhardt Bender, devenuBechir ben Salah | Chef de section à la Gestapo à Varsovie | Haut conseilleur de la police politique de Nasser |
Baurnann | Standartenführer SS. Participe à la liquidation du ghetto de Varsovie | Ministre de la guerre au Caire puis instructeur du FLP |
Wilhelm Boeckler devenuMoussad Abdelhai | Officier SS (untersturmführer). Co-organisateur de la liquidation du Ghetto de Varsovie | En Egypte dès 1949, travaille pour le ministère de la propagande, au bureau des affaires antisionistes |
Leopold Gleim, devenu Lt Col Al Nashar | Chef du service de renseignement à Varsovie | Officier supérieur au département égyptien de la sécurité intérieure, en charge des prisonniers politiques dans un centre de détention au bord de la Mer rouge. |
Fritz Bayerlein | aide de camp de rommel | s'installe en Egypte |
Wilhelm Farmbacher | Lieutenant général SS, officier de la Wehrmacht sur le front est et superviseur de l'armée Vlassov en France en 1944 | consultant ilitaire de Nasser |
Wilhelm Beisner | Chef de la SD en Yougoslavie | Établi en Syrie de 1950 à 1957. |
Dr. Hans Eisele | médecin chef du camp de concentration de Buchenwald | Établi au caire et meurt en 1965 |
Wilhelm Boerner devenu Ali ben Keshir | Officier SS (Untersturmführer), gardien au camp de concentration de Matthausen | Au service du ministère de l'intérieur et instructeur du FPLP |
Heribert Heiden | SS Hauptsturmführer, « médecin » au camp de concentration de Matthausen | Médecin au sein de la police egyptienne |
Haribert Heim | « Doktor Tod » ou « el banderillo », connu pour ses tortures sadiques sur prisonniers du camp de Matthausen | S'enfuit en 1962 en Egypte où il devient Tareq Hussein Farid |
Alois Brunner, bras droit d'Eichmann, devenu Georg Fisher puis Ali Mohammed | En charge de la déportation des Juifs autrichiens, grecs, tchécoslovaques. Responsable du camp de Drancy. | Établi à Damas, consultant des services spéciaux. Protégé d'une extradition par le gouvernement syrien. |
Hans Gruber, devenu el Aradji | Membre des services spéciaux nazis | Conseiller à la direction politique de la Ligue Arabe à Damas à partir de 1950 |
Friedrich Buble, devenu Ben Amman | Officier SS (obergruppenführer) Section des interrogatoires de la Gestapo berlinoise | conseiller spécial pour les forces de police egyptiennes à partir de 1952 |
Hans Becher | Membre de la gestapo délégué aux affaires juives | établi à Alexandrie, instructeur de police |
Franz Bartel devenu El Hussein | Chef assistant de la gestapo de Kattowitz | Affecté à la section antijuive du ministère de l'intérieur au Caire. |
Joachim Dämling, devenu Jochen Dressel ou Ibrahim Mustapha | Chef de la gestapo à Düsseldorf | Consultant en Egypte pour l'organisation du système pénitentiaire et journaliste politique à Radio le Caire. |
Seupel devenu Emmd Zuher | Officier SS (Sturmbannfürher) Membre de la gestapo de Paris | Converti à l'islam et employé dans les services de sécurité du ministère de l'intérieur au Caire |
Heinrich Sellman, devenuHassan Suleiman | Chef de la gestapo à Ulm | Conseiller technique au ministère de l'intérieur du Caire, puis agent des services spéciaux égyptiens. |
Franz Hitholfer | Officier supérieur de la gestapo à Vienne | Établi en Egypte à partir de 1950 |
Rudolf Mildner | Officier SS (Standartenführer), chef de la gestapo à Kattowitz et chef de la police au Danemark | En égypte en 1963, membre de l'organisation Deutscher Rat |
Dieter Peschnik, devenu El Sa'id | Officier de la Gestapo | Résident en Egypte et cadre dans la politique politique de nasser |
Ernst Wilhelm Springer | Ancien collaborateur de l'Orient Trading Company nazie. | S'enfuit en 1952 en Syrie. |
Otto Ernst Remer | Général de la Wehrmacht et négationniste notoire | Conseiller militaire de Nasser avant de s'installer en Syrie |
Franz Bunsch | SS Obersturmführer. Collaborateur de Goebbels | Établi au Caire et employé au ministère de la propagande, département consacré à Israel |
Hans Appler, devenu Salah Chaffar | Chef du service de propagande de Goebbels | Ministre de l'information en Egypte en 1956 |
Ludwig Heiden, devenu el Hajj | Journaliste à l'agence de presse nazie Weltdienst tenue par le NSDAP et violemment antisémite | Traducteur de Mein Kampf en arabe. |
Dr. Johannes von Leers,devenu Omar Amin | Assitant de Goebbels en charge de la propagande antisémite | À partir de 1955 chef du département antisioniste au Caire |
Georges Oltramare, devenuCharles Dieudonné | Directeur du « pilori » durant l'occupation | Responsable du programme TV de la voix des arabes au Caire jusqu'en 1960. |
Granz Rademacher, devenuThome Rossel | À la tête de la section antijuive du ministère des affaires étrangères du Reich entre 40 et 43 | Journaliste protégé à Damas |
Karl Luder | Chef de la Hitlerjugend, responsable de crimes antisémites en Pologne | Ministre de la guerre en Egypte |