Israël impliqué dans la réalisation du dernier Avatar
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Que feriez-vous si, après avoir voué toute votre vie à la musique, vous vous découvriez tout à coup une nouvelle passion ? Shahar Levavi, lui, n'a pas hésité : il a abondonné une prometteuse carrière de compositeur de jazz pour se lancer dans la création d'images de synthèse. Réfléchissez bien, toutefois, avant de l'imiter, car le résultat pourrait ne pas se révéler aussi brillant que pour ce jeune homme de 34 ans, qui peut se targuer aujourd'hui de compter parmi les créateurs d'Avatar, le film d'animation révolutionnaire de James Cameron.
Hyper réalisme. Une scène d’Avatar.
Photo: JPost
Cet épique et somptueux spectacle de science-fiction offert par Cameron est sans conteste le film qu'il faut avoir vu en ce tout début d'année 2010 et, de fait, il bat déjà tous les records de box-office à travers le monde. Quant aux Na'vi, ces espèces d'humanoïdes à peau de lézard, affublés d'une queue, qui peuplent la planète Pandora, ils ont peut-être, à y regarder de plus près, une vague ressemblance avec cet Israélien un peu fanfaron.
Après onze ans passés à perfectionner son art, d'abord aux Etats-Unis, puis en Nouvelle-Zélande, Levavi est aujourd'hui de retour en Israël. Et raconte comment il s'est fait recruter pour Avatar après avoir travaillé, à New York et à Los Angeles, sur plusieurs films d'animation, dont Le Monde de Narnia, Le Petit Monde de Charlotte et Garfield : "J'avais envoyé ma candidature au studio de Peter Jackson, WETA Digital, à Wellington, parce que je pensais qu'il pourrait être amusant de travailler là où
avaient été créés Le Seigneur des Anneaux et King Kong.
Je savais que James Cameron prévoyait d'y produire Avatar, mais moi, c'était pour le studio que j'avais posé ma candidature. Au début, j'ai travaillé sur d'autres projets, puis à un moment, Avatar s'est emparé de nous et ne nous a plus lâchés pendant près de trois ans."
"Nous", c'est la trentaine d'animateurs de l'équipe, qui, avec une belle assiduité, ont créé en images de synthèse tout un paysage en 3-D composé de forêts fantastiques, de montagnes lumineuses et de géants à peau bleue à faire dresser les cheveux sur la tête.
Révolution historique à l'international...
Une production de 400 millions de dollars, soit le film le plus cher de l'histoire du cinéma, et qui représente une avancée historique pour le Septième art. "Ce n'est pas tout à fait comparable à la révolution causée par Blanche-Neige et les sept nains de Walt Disney en son temps", estime un spécialiste du domaine, "mais 19 ans après Jumanji, Avatar réalise enfin la prédiction du film de Joe Johnston : le cinéma du futur fait interagir personnages virtuels et acteurs en chair et en os."
Pour Levavi, c'est le travail d'équipe des animateurs qui, associé à la vision cinématographique de Cameron, a permis d'instaurer ces nouvelles normes visuelles. "Cameron nous envoyait les prises de vue et nous nous les partagions entre les différents animateurs. Nous n'avions pas de personnages assignés, nous travaillions sur les plans qu'on nous donnait, avec les personnages qui s'y trouvaient."
Pour Levavi, ces trois années en Nouvelle-Zélande ont constitué l'apogée d'une carrière fulgurante, qui a débuté peu de temps après que ce natif de Koranit, petit moshav du nord d'Israël, a décroché son master d'imagerie numérique à l'Université de New York, en 2004. Auparavant, c'était à un tout autre domaine qu'il se consacrait : la musique. "J'en ai fait pendant toute mon enfance", raconte-t-il. Une scolarité à la Rimon School, le service militaire, puis Levavi est reçu à l'école de musique de Berkelee, où il obtient un diplôme de composition musicale en jazz. "C'est à peu près à cette époque que j'ai découvert le monde de l'animation 3-D grâce à un ami, qui travaillait dans cette branche. Je m'étais toujours intéressé à l'animation et à la création graphique, mais jusque-là, je consacrais tout mon temps à la musique. Peu à peu, je me suis formé à l'animation sur ordinateur et j'ai acheté un à un tous les programmes et les outils nécessaires. Il m'a fallu un an pour être à l'aise dans cette activité et pouvoir poser ma candidature à l'Université de New York. Ensuite, une chose en a amené une autre..."
Pour quelqu'un qui consacrait toute sa vie à la musique, Levavi a bien vite fait de mettre cette passion en sourdine ! Il faut croire qu'il avait découvert une vocation plus forte encore...
"La musique ne me manque pas vraiment", soupire-t-il. "Aujourd'hui, j'aime bien en jouer ou en écrire pour m'amuser. Cela me plaît d'ailleurs plus qu'avant, puisque je n'ai plus la pression de devoir gagner de l'argent avec ça. Désormais, mon travail c'est l'animation, et j'adore ça. Malgré tout, la musique n'a jamais quitté ma vie, puisque ma femme, Ayelet Gottlieb, est chanteuse de jazz et comédienne." Pour Levavi, les deux disciplines ne sont d'ailleurs pas si éloignées l'une de l'autre qu'il n'y paraît. Sous certains aspects, elles se révèlent même très similaires.
Le don de la composition à l'Israélienne
"Composer un plan pour un film ou composer un morceau de musique, ce n'est pas si différent que ça ! J'ai dû apprendre à utiliser des nouveaux outils pour y parvenir, c'est tout !" Des outils qui l'ont conduit jusqu'au film hollywoodien dont on parle le plus aujourd'hui et lui ont fait vivre une expérience qu'il n'est pas près d'oublier. Pendant deux ans, c'est-à-dire durant tout le processus de conception des scènes et des personnages, Levavi a investi toute son énergie sans avoir aucune idée de ce à quoi le film allait ressembler.
"Quand on commence à travailler sur un projet", explique-t-il, "on ne voit que de très petites parties du film. C'est seulement au bout de deux ans que nous avons commencé à visionner des séquences finalisées. Jusque-là, nous ne savions pas du tout à quoi l'ensemble allait ressembler."
La version définitive du film, l'équipe ne l'a vue que quelques jours avant son lancement, mi-décembre. La réaction de Levavi ? "Nous étions tous subjugués."
Pourtant, il reste convaincu qu'il y aura toujours de la place pour les films d'animation conventionnels. "A mon avis, Avatar appartient à un genre différent", affirme-t-il. "Il n'est pas en concurrence avec Pixar ou Dreamworks. Les images d'Avatar sont aussi réalistes que possible. On ne voit pas des personnages prendre des positions anti-naturelles, comme dans les dessins animés. L'animation d'Avatar est basée sur la technologie de capture du mouvement, c'est-à-dire construite sur les actions et mouvements de vrais acteurs. Dans un film de Pixar, l'animateur peut faire tout ce qu'il veut et casser les règles de la physique s'il en a envie. L'effet est différent, l'impression aussi."
Une fois le travail sur Avatar achevé, Levavi et sa femme sont revenus vivre en Israël. "Nous n'étions pas partis avec l'intention de nous installer définitivement à l'étranger", affirme-t-il. "Nous avons notre famille et nos amis ici. Et même quand on passe huit ans aux Etats-Unis et trois en Nouvelle-Zélande, on ne se sent jamais aussi bien dans ces pays qu'en Israël. Je pense vivre quelques mois ici, puis retourner là-bas pour travailler sur d'autres projets. Il est très difficile de travailler à distance sur de grosses productions hollywoodiennes. On vous veut sur place."
Hyper réalisme. Une scène d’Avatar.
Photo: JPost
Levavi ne sait donc pas ce que l'avenir lui réserve après Avatar. "Avant de quitter le pays, je ne m'étais pas spécialement intéressé au secteur du film d'animation en Israël et je ne l'ai pas fait non plus durant mon absence. Mais il me semble qu'il y a de très belles choses à faire ici en animation et je suis très optimiste - pour cette activité, et pour moi."