Mireille Vallette: «Je n’ai pas trouvé de porte-parole modernistes»

L’islam que nous dessinent les porte-parole musulmans qui s’expriment dans l’espace public est-il compatible avec nos valeurs démocratiques ? C’est la question que pose Mireille Vallette, qui fut journaliste, qui reste féministe, qui a orienté sa carrière vers le monde du social. Dès la première ligne, la réponse est claire: c’est non.

Dans un petit livre rouge, comme l’expression d’une colère contenue dans une écriture qui se soucie de précision, l’auteure porte un regard critique sur les musulmans de Suisse (voir Newsletter N° 892). La Genevoise s’ingénie à décrypter la parole de ceux qui la prennent dans cette communauté. Elle voit double dans leur langage. Et en observant les lieux de rassemblement, en examinant des sujets d’actualité, elle dépasse le simple constat. Non seulement ces leaders musulmans ne peuvent s’adapter à notre démocratie, mais ils tentent de la pervertir. Ou plus précisément de la faire régresser, en commençant par fendiller, fissurer, casser les acquis des femmes. Interview avant le débat qui aura lieu demain à Genève (voir ci-dessous), dans la Tribune de Genève de ce jour.

C’est vous qui avez choisi le titre de l’ouvrage ?

Oui.

Alors comment vous situez-vous: islamophobie ou légitime défiance ?

Légitime défiance, bien entendu. Ce sont les intégristes musulmans qui ont créé le terme d’islamophobie et ce sont eux qui l’utilisent pour interdire la critique. Or, ce sont leurs discours qui alimentent la méfiance, voire le rejet. Il ne s’agit pas d’un rejet atavique de l’Occident, qui daterait des Croisades.

Qu’est-ce qui vous a poussé à empoigner ce sujet ?

Mes convictions féministes et mon amour immodéré pour la démocratie. Ils sont tous deux menacés par ce courant.

N’est-ce pas réducteur d’aligner tous les musulmans sur la même rangée ?

Il ne s’agit pas des musulmans, mais de ceux qui parlent en leur nom. Je n’en ai pas trouvé qui tiennent des propos clairement modernistes, progressistes.

Même pas Hafid Ouardiri, bien connu ici, qui prône le dialogue…

Il a une vision réactionnaire des femmes, par exemple sur le foulard, la polygamie ou l’avortement; il nie l’évidence à propos de sujets tels que l’apostasie ou les droits de l’homme; il prend le parti des radicaux dans les polémiques, par exemple les caricatures danoises. Ce n’est pas le pire, mais sous son discours moderniste se cache une vision liberticide.

Il existe toutefois une association qui devrait trouver grâce à vos yeux: celle des musulmans suisses pour la laïcité…

Le souci de cette association, c’est plutôt de lutter contre l’UDC et l’islamophobie… Elle part peu en guerre contre les dégâts que commet le courant intégriste, mais je suis tout de même très heureuse que ce genre d’organisme existe.

On compte 310 000 musulmans en Suisse: vous n’avez pas peur d’en heurter 200 000 ? Je pense notamment aux Turcs et aux Albanais…

Je conçois que mes propos puissent blesser des personnes de culture musulmane, même s’ils partagent mes convictions progressistes. Mais dans la balance, la défense de l’égalité des sexes et des libertés démocratiques pèse beaucoup plus lourd que ce risque. Et jusqu’ici, je n’ai pas entendu d’imams albanais ou turcs défendre ces valeurs.

Vous allez voter quoi à l’initiative de l’UDC contre les minarets ?

Soit non, soit, s’il n’y a pas un réel débat, je m’abstiendrai. Au départ, j’ai trouvé cette initiative absurde, mais elle devrait fournir l’occasion d’un vrai débat, entre autres sur les conséquences qu’a engendré l’intégrisme sur nos libertés et sur la condition féminine musulmane.

Mireille Vallette, Islamophobie ou légitime défiance ?, Editions Favre

Dans le cadre des «Grands Débats» Tribune de Genève-Payot, Mireille Vallette répondra aussi aux questions de Denis Etienne et des participants, mardi 7 avril, à 18h30, au Centre de l’Espérance (8, rue de la Chapelle - 1207 Genève). Entrée libre.

Source: Denis Etienne, Tribune de Genève - lundi 6 avril 2009

____________________________________________________________________________

Le site des Éditions Favre : ici