Ile de la Réunion: un collègien juif déshabillé dans la cour
Absent. Il n’est pas venu. Il n’a pas voulu. Il a laissé ses parents monter au front. «Il a honte», confesse sa mère. Son fils de onze ans, élève au collège de Terre-Sainte à Saint-Pierre vient de connaître le summum de la bêtise d’adolescents. Déshabillé en pleine cour, cet après-midi. Et le temps est venu de se mettre à nu. «Depuis la rentrée scolaire, mon fils est victime de violences, d’insultes, de vols», lâche cette mère remontée. Son époux à ses côtés écoute. Puis intervient. «Le principal l’a retrouvé aujourd’hui prostré dans la cour, en état de choc.» Le fait du jour. Trois jeunes lui ont abaissé le pantalon, sans raison apparente. «C’était un jeu», dixit un des jeunes croisés par le père alors qu’il est venu chercher son fils. Traumatisé.
«Il ne veut plus aller à l’école, il a demandé à aller voir le psy», souligne sa mère. Pendant des mois, elle a remonté ce fils aîné, lui insufflant du courage, acceptant qu’il coupe ses cheveux longs qu’il aimait tant tellement qu’il ne supportait plus de se les faire tirer. «C’est quelqu’un de très porté par la justice.» Alors, il ne comprend pas que des camarades de classe s’en prennent à lui, cherche des raisons. Et une vient, elle fait mal. «Il a eu une remarque antisémite par un élève en classe», affirme son père. Ce jour-là, en plein cours d’histoire, son fils se verra traiter de «sale juif. Vous avez tué Jésus». Les propos sont nourris par la leçon du jour portée sur la Bible. Certes, le nom de famille du jeune garçon en dit long sur sa confession. Et puis, il ne s’en est jamais caché. Pourquoi le faire. Les trois plaisantins du jour savent, par exemple, qu’il est circoncis. Et alors. Mais voilà une raison supplémentaire de s’attaquer à celui que sa propre mère définit comme «différent». Pour la simple raison qu’il est «non violent, sensible, pudique, n’aime pas traîner dans les toilettes des filles, préfère travailler. C’est un bon élève, il a treize de moyenne», relève sa mère, sans une once de fierté. Et ce père qui note que l’établissement lui a tout de même mis un «avertissement scolaire».
«Mais c’est normal, avec toutes ces attaques, il y va à reculons à l’école. Il ne veut plus y aller, me dit qu’il ne veut pas leur ressembler, ne pas être un menteur, un voleur, un hypocrite.» Elle se fait la voix de ce fils brimé depuis qu’il est entré dans la cour des grands. «Quelques jours après la rentrée, il s’est fait taper dessus par un grand de sa classe.» Plainte en gendarmerie a été déposée. «Le collège ne pouvait rien faire car cela s’est produit en dehors de l’établissement.» Des semaines plus tard, en décembre, il se fait de nouveau violenter, cette fois dans le collège. «Là, on ne pouvait rien faire car il faut que le collège porte plainte.» Main courante au commissariat est tout de même enregistrée. «L’établissement minimise cette violence», insistent ses parents. Dernièrement, le principal leur aurait rétorqué qu’il ne «pouvait mettre un surveillant derrière chaque élève». Hier, ce dernier ni son adjoint n’ont pu répondre à nos appels, bloqués par une réunion concernant les troisièmes. «Cela va de plus en plus loin, poursuit la maman. Que va-t-on me répondre quand il va recevoir un coup de couteau ?» L’actualité métropolitaine où cette collégienne s’est fait agresser par cutter, lundi à Thiais, s’invite dans la conversation. «Ce n’est pas tellement le problème des enfants mais qu’est-ce que propose le collège fasse à ce type d’événement», reprend le père, lui même enseignant. La réponse, ce couple va la chercher en retirant leur fils de cet établissement. «On y pensait pour l’année prochaine, les choses se précipitent juste», note la maman. Pour son fils, le collège de Terre-Sainte est loin d’être sa terre promise
Source: Nadia Nejda, Le Journal de l'Ile de la Réunion - mercredi 17 février 2010