Point de vue de Khaled Asmar- Beyrouth
Des attaques anti-chrétiennes diaboliseraient les Sunnites et briseraient l’alliance Souverainiste islamo-chrétienne au profit du Hezbollah
mercredi 5 janvier 2011 - 11h43, par Khaled Asmar - Beyrouth
Dans le sillage de l’attentat contre les Coptes égyptiens, à Alexandrie, deux grenades ont été désamorcées le 04 janvier 2010 dans un cimetière chrétien de Ferzel, à l’est du Liban (Békaa). Ce qui confirme les inquiétudes qui s’emparent des Libanais quant à l’évolution de la situation au pays du Cèdre, marquée par le blocage politique et la tension autour du Tribunal international (TSL). A Beyrouth, on redoute de plus en plus un plan machiavélique destiné à réhabiliter le Hezbollah et à faire oublier le TSL.
Notre source rappelle que durant son occupation du Liban, entre 1990 et 2005, la Syrie a installé, ou laissé prospérer au pays du Cèdre toutes sortes de mouvements terroristes, aux multiples appartenances idéologiques, dont les organisations palestiniennes dites laïques (FPLP-CG, Fatah-Intifada), ou les mouvements palestiniens « islamisés » (Fatah Al-Islam, Jund Al-Islam, Jund Al-Sham...), ou encore les groupes libanais islamiques radicaux (Al-Ahbache à Beyrouth, les groupuscules de Denniyeh au Nord et de Mejdel Anjar dans la Békaa...) et chrétiens (Al-Marada de Sleiman Frangieh, Al Waad d’Elie Hobeïka) ou laïcs (le Parti Nationaliste Syrien, Al-Baas section libanaise...), et d’autre milices microscopiques comme Al-Mourabitoune repris par le général Mustapha Hamdane ou la milice de l’ancien ministre Abdelrahim Mrad...
Ces organisations ont proliféré aux côtés du Hezbollah chiite qui a, lui aussi, bénéficié - et bénéficie toujours - du soutien syrien et iranien au point de devenir plus puissant que l’armée libanaise régulière qu’il pense avoir infiltrée grâce à l’appui de l’occupant depuis 1990.
Aujourd’hui, ajoute notre source, « ces organisations terroristes peuvent entrer en action à la demande de la Syrie - comme ce fut le cas du Fatah Al-Islam à Nahr El-Bared en 2007 - pour réitérer au Liban l’exemple douloureux d’Alexandrie ». La stratégie syrienne, précise notre interlocuteur, se compose de plusieurs volets :
En premier temps, il consiste à commanditer des attaques contre les Chrétiens libanais, attaques qui seraient attribuées aux groupes sunnites radicaux et qui permettraient de terroriser la communauté chrétienne. Ce scénario reproduirait celui des attaques contre les Chrétiens en Irak, dont l’attentat de la cathédrale syriaque Notre Dame de la Délivrance de Bagdad, le 31 octobre dernier. En effet, il n’est plus un secret pour personne que 60% des terroristes qui sévissent en Irak transitent à travers le territoire syrien, devenu la plaque tournante et le hub du terrorisme dans la région. Il ne sera donc pas étonnant que des terroristes puissent passer de Syrie vers le Liban pour y commettre des attentats sanglants.
En seconde étape, et grâce à la machine médiatique particulièrement huilée du Hezbollah, de ses alliés et de ses relais en Occident, une campagne de diabolisation s’abattrait sur les Sunnites libanais et à leur tête le Premier ministre Saad Hariri.
La troisième étape viserait à briser l’alliance Souverainiste du 14 mars qui regroupe principalement le Courant du Futur (Saad Hariri), le parti Kataëb (Amine Gemayel), les Forces Libanaises (Samir Geagea), le PNL (Dory Chamoune), le Bloc National (Carlos Eddé) et des députés indépendants, avec la bénédiction du Patriarcat maronite et de Dar Al-Fatwa (sunnite). Car, selon les stratèges syriens, en accusant Hariri de couvrir politiquement les radicaux, les attaques anti-chrétiennes pousseraient ses alliés chrétiens à se replier sur eux-mêmes.
La quatrième phase de ce scénario serait alors l’entrée en scène du Courant Patriotique Libre (CPL) du Général Michel Aoun, allié chrétien du Hezbollah, pour mettre en valeur le « document d’entente » signé en février 2006 entre Michel Aoun et Hassan Nasrallah. Le Hezbollah se mobiliserait alors pour « défendre les Chrétiens, au nom de cette entente, et pour s’imposer comme le mouvement chiite modéré en comparaison aux radicaux sunnites ! »
En définitive, ce scénario vise à réhabiliter le Hezbollah et à le présenter comme « fréquentable », alors que le parti de Dieu redoute son implication par le TSL dans les assassinats politiques au Liban, dont celui de Rafic Hariri. En terrorisant ainsi les Chrétiens souverainistes, l’objectif est aussi de les faire oublier le TSL et de les obliger à abandonner leur revendication de vérité et de justice, au nom de leur sécurité. En attendant, les médias du Hezbollah et de ses alliés évoquent « un complot américano-sioniste visant à vider le Moyen-Orient de ses Chrétiens » ; une façon de justifier à l’avance la campagne de terreur prévisible.
Khaled Asmar
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