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21 mars 2011 1 21 /03 /mars /2011 14:00

 

ANALYSE-A-LA-UNE

 

 

 

par Marc Brzustowski

 

Pour © 2011 lessakele  et © 2011 aschkel.info

 

 

Révoltes, insurrections ou révolutions ? La grande question de l’absence de solutions à mettre en place, quel que soit le contexte de chaque pays pris dans la tourmente de la contestation des régimes du monde arabe, taraude l’esprit de tout observateur. Le placage du modèle démocratique européen est loin d’aller de soi. L’oscillation entre le « wait and see » et la tentation  du volontarisme sont aujourd’hui à l’épreuve, incarnée par les politiques suivies, respectivement, par les Etats-Unis et la France.

 

Deux évènements illustrent que les Occidentaux sont loin d’être au bout de leurs surprises et de leurs désillusions :

 

 - L’un est majeur, marqué par leur entrée en scène, en Libye : celui de l’intervention militaire de la coalition de 22 pays pour instaurer une « zone d’exclusion aérienne ».

 

- L’autre, paraît plus anecdotique, mais révélateur, en Egypte : c’est celui du caillassage en règle de Mohammed El Baradei par une foule excitée de Frères Musulmans, l’empêchant d’aller voter pour la réforme de la constitution au Caire.

 

Tous deux indiquent la fragilité, voire, dans le second cas, l’effritement de la notion de « transition démocratique », dont l’Egypte aurait dû être la plaque tournante :

 

- Dès le lendemain des premières frappes sérieuses menées par les Français, Britanniques et Américains, le Secrétaire égyptien de la Ligue Arabe, Amr Moussa condamnait l’opération « Aube d’une Odyssée » et exigeait son arrêt immédiat. On se rappelle, pourtant, que c’est lui qui en avait donné le feu vert, lors du passage d’Alain Juppé dans la capitale égyptienne.

 

- Le malheureux candidat aux présidentielles, Mohammed El Baradei, quant à lui, se voit chassé à coups de pierres et de chaussures par « la base » des Frères Musulmans, quand bien même il constituait un des atouts majeurs pour la respectabilité naissante de cette confrérie, aux yeux de son leadership. Comme on dit, l’opinion préfère l’original à la copie, et nombreux, parmi les radicaux ne supportent pas de devoir s’attifer en costume-cravate et attaché-case, afin de complaire aux Américains. Ils veulent réellement une révolution à « l’iranienne » et que la Nouvelle Egypte se coupe de ses anciennes compromissions avec l’Occident et Israël.

 

Quant à Amr Moussa, il s’aperçoit que, dans le tumulte qui emporte le volcan sur lequel il est assis, il n’est plus le porte-parole d’une majorité instituée, mais qu’il ne fait que traduire sa propre expression de la façon dont il perçoit, localement, les évolutions : le Maréchal Tantawi avait, plus tôt refusé l’utilisation des bases d’Egypte ou l’envoi de forces en Lybie, au sein de « l’Armada ». La Syrie est alliée de Mouammar Kadhafi, en atteste les pilotes syriens tués ou faits prisonniers au combat. Quant à l’Arabie Saoudite, elle intervient militairement au Bahreïn et a très bien compris que les révoltes en cours étaient moins un appel sérieux à des réformes « démocratiques » qu’un charivari géostratégique exploité par son rival de Téhéran. Hypothèse que les Etats-Unis refusent de valider, ne laissant à leurs anciens alliés arabes que le choix entre disparaître et composer avec la rue en colère…

 

Que devient, dès lors, le beau geste de l’intervention franco-britannique pour assurer la protection des rebelles libyens ? Ceux-ci sont-ils suffisamment unis pour constituer une force de résistance, voire de conquête ultérieure du pouvoir à Tripoli ? Quels sont les scenarii de rechange, si une partie de la coalition renâcle à participer à des raids d’appui ou à favoriser un quelconque renversement du tyran Kadhafi ?

 

Paradoxalement, les comités locaux révolutionnaires libyens se sont constitués sur de vieux découpages régionaux institués par Kadhafi. La plupart des prétendants à la représentation de leur « Conseil national » sont, eux-mêmes, issus des désaffections dans l’entourage du Tyran honni. L’ancien Ministre de la Justice, Mustafa Abdel-Jalil, se voit contesté par un avocat, Abdel-Hafidh Ghoga, qui se prétend, tout comme lui, le représentant légal des insurgés. Il affirme que son concurrent ressort plus de son influence dans la région d’Al Bayda, prestige dont il ne peut se targuer à Benghazi. Néanmoins, ils se rejoignent autour d’un ensemble d’objectifs, comme la nécessité de marcher sur Tripoli pour évincer le dictateur Kadhafi du pouvoir. Ils souhaitent éviter une guerre de Sécession entre le Tripolitain et la Cyrénaïque pour conserver l’unité de tous les opposants, à l’Est comme à l’Ouest.

 

La même division règne, au départ, au sein des forces armées rebelles, plutôt un agglomérat de milices locales qui se sont spontanément mises en branle, chacun donnant des ordres et contre-ordres pour son propre groupe. Ces forces étaient d’abord conduites par Omar El-Hariri, avant de passer aux mains de l’ancien Ministre de l’Intérieur, Abdel Fattah Younis. D’abord très critiqué à l’Est pour ses anciennes fonctions, il semble avoir été incorporé à une sorte de commandement central opérant pour le conseil de transition et avoir mené les négociations avec les Anglais. C’est, sans doute, lui qui devra affronter le défi majeur : celui de l’organisation d’une force armée crédible et cohérente aux yeux des alliés, marchant vers la libération de l’Ouest encore tenu par les pro-Kadhafi.  Les rebelles ne sont appuyés, pour ce projet, que par la France et la Grande-Bretagne. On a vu que tel n’était pas l’objectif de la Ligue Arabe. Quant aux Etats-Unis, ils soutiendront leurs alliés, mais se refusent à occuper une place décisionnaire centrale, autrement dit, à faire les frais des éventuelles retours de flammes, comme lors de leur aventure en Irak et en Afghanistan.

 

Ce « tribalisme » des factions qu’on voit à l’œuvre en Libye semble capable de se répandre à d’autres zones stratégiques du Moyen-Orient. On le perçoit dans les affrontements qui recoupent essentiellement la partition sunnite/chi’ite, dans le Golfe, autour de l’influence de chacune des deux grandes puissances régionales, saoudienne et iranienne.

 

Un même découpage ethnique ou tribal semble, désormais, à l’œuvre, en Syrie : si le désordre politique, réclamant la levée de l’état d’urgence datant de 1953, est, sporadiquement à l’œuvre, dans les grandes villes comme Damas et Alep, elles ont rapidement été rejointes par deux communautés :

 

- Les Kurdes, au nord, dans leurs fiefs d’Al Kamishli, Al Aska, Deir Ez-Zor et Homs

 

- Mais, désormais, ce sont les Druzes, autour de la ville de Dara (Deraa) qui donnent le plus de fil à retordre aux brigades mécanisées et aux parachutistes syriens venus en renfort des forces de police vite submergées.

 

Assad a dû dépêcher, ce lundi matin, sa 4è division blindée, dirigée par son jeune frère, Maher Assad, pour venir à bout de l’insurrection druze qui se répand depuis au moins 3 jours. Deraa est la capitale de la région du Hauran, où de nouvelles manifestations sont prévues, jusqu’au 26 mars, à Jabal ad-Duruz, adjacente, et à As-Suwada. Deux brigades de l’armée syrienne sont déjà sur place et ont fait vingt morts et plus de 300 blessés, par des tirs à balles réelles et des gaz lacrymogène, ces derniers jours.

 

Deraa est un nœud de communications extrêmement important pour le régime syrien : la ville contrôle, par Jabal az-Duruz, l’autoroute syrienne menant aux trois frontières : Israël, le Liban et la Jordanie. 

 

Les insurgés ont refusé tout dialogue avec une délégation, représentée par Fayçal Mekdal, adjoint au Ministre des Affaires étrangères, dépêchée en toute hâte sur place afin d’évacuer les tensions. Quelques minutes après son départ, les bâtiments du parti Baath et du Tribunal de la ville étaient en flammes, réactivant des protestations dans tout le pays.

 

Lundi matin, les manifestations se sont étendues jusqu’à Quneitra, ville centrale du Golan syrien, érigée en martyre de sa défaite de 1973 face à Israël.

 

La 4è division syrienne s’est donc vue assigner la tâche de couper le Sud du reste du pays et l’a séparé en trois secteurs militaires. Un vaste cordon sécuritaire encercle et protège la capitale, Damas, à 100kms au nord de Deraa. Un autre fait de même autour de Jabal-Az Duruz, où vivent près d’un million d’habitants appartenant aux tribus druzes.

 

L’armée s’est aussi déployée aux frontières libanaise et israélienne, ainsi que près de la rivière du Yarmouk qui débouche sur la Jordanie. Un long round d’observation se déroule actuellement, risquant, à tout moment une nouvelle phase d’embrasement.

 

C’est donc une tension redoublée, d’une part, en interne, à travers une exigence de réformes, d’autre part, en externe, à travers les enjeux géostratégiques concernant l’étanchéité des frontières, qui se transforme aujourd’hui en bras de fer :

 

- Tribus fédéralistes contre Kadhafistes en guérilla contre l'Occident, en Libye,


- Sunnites et Chi’ites dans le Golfe,


- Mais si jamais la situation s’aggravait en Syrie, l’Iran perdrait le contrôle de la plaque tournante qui verrouille sa stratégie hégémonique au Moyen-Orient.


- C’est sûrement une des raisons pour laquelle Téhéran investit massivement en tentant d’armer les Frères Musulmans, à travers le Hamas et le Hezbollah, au cas où « l’arc chi’ite » devait, à long terme, voir ses flèches se vider de son carquois damascène… 

 

- En poussant Kadhafi du coude vers la sortie de scène, indirectement, les alliés ont "contaminé" la Syrie, donc, à terme, l'Iran. Ils ont fait germer un virus mutant, hybride d'aspiration à la "démocratie", sans que ce terme soit clairement défini dans la région, de panislamisme en recherche d'influence au Caire, et de poussée autonomiste chez des groupes ethniques culturellement constitués, dont certains ont des liens traditionnels avec le peuple, la nation et l'état juifs : premier état démocratique de la région, sur la base de l'appartenance identitaire forte. Au suivant?... 

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A tous nos chers lecteurs.

 

Ne vous est-il jamais venu à l'esprit d'en savoir un peu plus sur le titre de ce blog ?

Puisque nous nous sommes aujourd'hui habillés de bleu, il conviendrait de rentrer plus a fond dans l'explication du mot lessakel.

En fait Lessakel n'est que la façon française de dire le mot léhasskil.

L'hébreu est une langue qui fonctionne en déclinant des racines.

Racines, bilitères, trilitères et quadrilitères.

La majorité d'entre elle sont trilitères.

Aussi Si Gad a souhaité appeler son site Lessakel, c'est parce qu'il souhaitait rendre hommage à l'intelligence.

Celle qui nous est demandée chaque jour.

La racine de l'intelligence est sé'hel שכל qui signifie l'intelligence pure.

De cette racine découlent plusieurs mots

Sé'hel > intelligence, esprit, raison, bon sens, prudence, mais aussi croiser

Léhasskil > Etre intelligent, cultivé, déjouer les pièges

Sé'hli > intelligent, mental, spirituel

Léhistakel > agir prudemment, être retenu et raisonnable, chercher à comprendre

Si'hloute > appréhension et compréhension

Haskala >  Instruction, culture, éducation

Lessa'hlen > rationaliser, intellectualiser

Heschkel > moralité

Si'htanout > rationalisme

Si'hloul > Amélioration, perfectionnement

 

Gageons que ce site puisse nous apporter quelques lumières.

Aschkel pour Lessakel.

 

 

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