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9 janvier 2010 6 09 /01 /janvier /2010 19:26
La nouvelle question démocratique
Avant-propos de Primo : Philippe Seguin est mort. C’était un homme politique exemplaire. Ses adversaires maintenant l’encensent. Les amis qui l’ont trahi pleurent sa mémoire. La France perd un penseur intransigeant sur les fondements même de la République, du lien social, celui qui devrait unir les Français, de quelque origine qu’ils soient.

Primo vous propose une réflexion de Philippe Séguin, écrite en 1996. Le texte n’a pas pris une ride.

Alors président de l’Assemblée Nationale, le président de la cour des comptes a préfacé un livre absolument précieux de Pierre-Patrick Kaltenbach « Les associations lucratives sans but » (téléchargeable ici).


Les bénévoles de l’association Primo souscrivent à ces propos, surtout lorsqu’ils constatent que les avertissements de Philippe Seguin et, plus largement, les conclusions du livre de Pierre-Patrick Kaltenbach ont été ignorés par les politiques et méprisés par les grands réseaux associatifs.

Le fait associatif, qui concerne plus des 4/5 de la population française, est l’acteur direct du lien social qui devait faire corps, qui devait nourrir le 'Vivre Ensemble'.

Philippe Seguin avait anticipé le cancer qui a depuis rongé la société française. Certains présidents d’associations, et responsables nationaux de structures soit disant antiracistes, se font les principaux pourfendeurs de la laïcité, de l’égalité.

Certains, depuis l’écriture de cette préface, ont même profité de leur statut médiatique pour entamer une carrière politique, avec plus ou moins de bonheur, il est vrai.

Philippe Seguin avait tout analysé, il y a 15 ans, avec une acuité mordante. Depuis 1996, la situation a empiré. Notre société se cherche des boucs émissaires. Les salons des préfectures résonnent de déclarations xénophobes lors de débats sur une identité nationale que l'on peine toujours à définir.

Les Juifs français commencent à trouver l'air un peu moins respirable. Les étrangers, légaux ou illégaux, ne sont que les enjeux de petits débats stériles. L'idée de République a depuis longtemps, passé son chemin.

Il fallait écouter, il y a plus de 10 ans, les déclarations de cet homme politique visionnaire.

Notre démocratie est en crise. Et cette crise n'est pas conjoncturelle ou passagère. Elle est structurelle, remettant profondément en question la conception française de la citoyenneté, fondée sur la libre adhésion des individus à la nation.

La situation des associations en est tout à la fois l'un des symptômes et l'un des déterminants.

Qu'on en juge... Le secteur associatif regroupe aujourd'hui 700 000 associations qui emploient 1,3 millions de salariés, dégagent un chiffre d'affaires de plus de 250 milliards de francs dont plus de 100 milliards d'origine publique et plus de 130 milliards déclarés à la T.V.A.

En 1992, 70 000 associations nouvelles ont été déclarées contre 20 000 en 1975. La variété de leur objet et de leur mode de fonctionnement désarçonne, puisque la loi de 1901 est supposée gérer aussi bien des clubs sportifs que des actions d'intégration, des pans entiers de la politique culturelle, industrielle, ou de santé publique comme l'animation de la vie locale.

A cet énoncé, chacun mesure le glissement vertigineux qui s'est effectué depuis le début du siècle: conçue à l'origine comme l'instrument de défense des libertés civiles face au cléricalisme, la loi de 1901 tient lieu désormais de paravent aux démembrements publics et autres « activités lucratives sans but » régulièrement dénoncés par la Cour des comptes.

Ainsi s'est développé au fil des temps un étrange capitalisme associatif, plutôt sauvage et fort peu social, où les intérêts corporatistes ont chassé les bénévoles et les subventions publiques les dons, où une part croissante des prélèvements obligatoires échappe à tout contrôle des élus du peuple.

La sphère publique, surtout depuis la décentralisation, n'a pas été épargnée, qui a vu la constitution de galaxies associatives, dont le seul objectif consiste à tourner les règles de la comptabilité publique et le statut de la fonction publique.

Que certaines de ces règles soient caduques ou absurdes, nul ne le contestera.

Mais à la solution courageuse d'une réforme de ces véritables verrous, qui ont empêché jusqu'à présent toute modernisation véritable de l'État, on a systématiquement préféré les expédients.

Et l'expédient le plus facile et courant, c'est l'association, qui, de bouée de sauvetage s'est transformée en avarie majeure de la gestion publique. En témoigne le nombre croissant de sinistres associatifs ayant mis gravement en cause le fonctionnement de l'État ou de certaines collectivités locales.

Le secteur privé n'a pas davantage échappé à cette évolution avec la multiplication des activités marchandes gérées sous la forme associative, souvent au mépris du droit et de la morale.

La France n'en a pas d'ailleurs le privilège. Les pays anglo-saxons ont également vu croître les organismes intermédiaires entre les administrations et le secteur privé, qui présentent le même manque de transparence et les mêmes dérives.

Pour autant, la crise des associations atteint sans nul doute en France une dimension exceptionnelle, très symbolique d'une société de rentiers, figée dans ses conservatismes.

Au-delà des folies financières des années 1980, qui ont vu se développer une forme d'économie mixte aussi dangereuse pour les libertés que pour les fonds publics, l'explosion et les dérives auxquelles nous avons assisté renvoient à des causes structurelles.

Première explication, l'éclatement de la société, avec l'apparition d'une fracture sociale qui n'a cessé de s'amplifier et qui a trouvé une traduction politique aussi directe que préoccupante avec la montée spectaculaire du Front national, tant lors du premier tour des élections présidentielles que des élections municipales.

Deuxième explication, la fin des idéologies qui a entraîné la perte d'un certain nombre de repères politiques et sociaux traditionnels pour toute une partie de la population; aux religions séculières ont succédé de nouveaux avatars théologiques, sociaux ou humanitaires qui institutionnalisent le mélange des genres.

L'on voit ainsi l'humanitaire se substituer au militaire et le militaire se transformer en humanitaire, le moralisant évincer le juridique, le politique se réduire à l'économique.

Troisième mutation, la plus dangereuse à terme, la société française est désormais structurée par une véritable guerre des âges, qui voit l'exclusion systématique des jeunes générations à travers le chômage et le niveau des taux d'intérêt.

Le marché du travail et les marchés financiers organisent ainsi une redistribution massive des richesses au profit de la partie âgée de la population, ce qui ne manquera pas de se traduire à terme, non seulement par une diminution des performances de l'économie, mais plus encore par une régression et un immobilisme social dont nous voyons déjà les redoutables prémices avec les émeutes urbaines.

Au total, à travers le cas d'école que représentent les associations, chacun peut constater que l'atomisation de notre société, l'insolence de l'argent, les progrès de l'exclusion, la crise financière de l'État, la délégitimisation de l'intérêt général et le déclin du politique vont de pair.

Dès lors le choix est clair.

Soit nous poursuivons dans la voie du renoncement, laissant à chacun le soin de défendre ses intérêts catégoriels au mépris de la collectivité.

Soit nous renonçons au renoncement en réhabilitant les associations désintéressées, servies par des bénévoles, afin de retrouver l'ambition et l'élan qui sont indissociables de l'idée républicaine, tout au moins dans son acception française.

La République, depuis 1789, est beaucoup plus qu'un système institutionnel qui s'opposerait, pour aller au plus simple, à la monarchie. La République représente un ensemble de valeurs.

La belle devise « Liberté, égalité, fraternité » nous ramène à ces deux idées simples mais d'une force singulière que la nation est une communauté de citoyens et que la République se définit d'abord par la capacité donnée à chacun de ses membres d'agir sur le destin de tous.

Il va de soi que cet engagement suppose le respect d'un principe politique fondateur : la transparence, l'impartialité et la rigueur dans l'emploi des fonds publics.

Or la forme associative décline à l'origine, sur un mode mineur, ces mêmes valeurs.

L'association est au départ un outil de participation à une aventure collective, le lieu privilégié d'apprentissage des vertus civiques.

Et sa dégénérescence en la quête d'avantages individuels figure le déclin de la République tout entière livrée aux agioteurs, aux courtisans, aux carriéristes, bref aux égoïsmes déchaînés.

Redonner sens et dignité au phénomène associatif est un combat stratégique, un combat central et vital pour l'avenir de la République.

Soit les associations s'installent dans l'ambiguïté d'un statut de satellites du pouvoir politique, de l'administration, du marché et des médias.

Soit elles reconquièrent leur droit d'aînesse dans l'ordre de la citoyenneté, en rétablissant le primat de l'engagement bénévole sur le salariat, de la gratuité sur la subvention, de la liberté sur la servilité.

En bref, le mouvement associatif a vocation à s'affirmer, aux côtés de l'école et du service national, comme une ligne de résistance majeure des valeurs républicaines. Et ceci de manière très concrète.

Pour prendre l'exemple des quartiers en difficulté ou de la jeunesse, les associations peuvent être la meilleure ou la pire des choses, selon qu'elles se conçoivent comme un outil au service de l'intégration, de la laïcité et de la solidarité entre générations, ou, au contraire, comme une simple annexe de services sociaux distribuant des soutiens ou des aides.

Car la République, ne s'incarne pas seulement dans la solidarité. Elle implique aussi une exigence de transparence et de contrôle des pouvoirs et des fonds publics par les citoyens et leurs représentants, à commencer par le Parlement.

De ce point de vue, le fait associatif illustre, reproduit et amplifie les travers de notre système politique, économique et social qui demeure étonnamment fermé et hostile à l'idée de contre-pouvoir.

L'État n'a pas le monopole du syndrome présidentiel. Et nombre d'associations fonctionnent selon un principe monarchique ou féodal qui place leurs dirigeants à l'abri de tout contrôle de leurs mandants.

La France a encore du chemin à parcourir pour devenir une démocratie pleinement adulte, où l'exécutif accepte le contrôle du législatif et du judiciaire.

A la société française tout entière de se mobiliser pour accomplir la nécessaire révolution culturelle qui doit concerner chaque cellule du corps social.

Il est grand temps que soient abolis les privilèges de pouvoirs absolus et les conservatismes qui bloquent la société française, fût-ce avec ces mêmes bonnes intentions dont chacun sait que l'enfer est pavé.

Philippe Seguin, 1996, préface du livre 'Les associations lucratives sans but', de Pierre-Patrick Kaltenbach

Pierre-Patrick Kaltenbach
© Primo, 09-01-2010
 
 
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A tous nos chers lecteurs.

 

Ne vous est-il jamais venu à l'esprit d'en savoir un peu plus sur le titre de ce blog ?

Puisque nous nous sommes aujourd'hui habillés de bleu, il conviendrait de rentrer plus a fond dans l'explication du mot lessakel.

En fait Lessakel n'est que la façon française de dire le mot léhasskil.

L'hébreu est une langue qui fonctionne en déclinant des racines.

Racines, bilitères, trilitères et quadrilitères.

La majorité d'entre elle sont trilitères.

Aussi Si Gad a souhaité appeler son site Lessakel, c'est parce qu'il souhaitait rendre hommage à l'intelligence.

Celle qui nous est demandée chaque jour.

La racine de l'intelligence est sé'hel שכל qui signifie l'intelligence pure.

De cette racine découlent plusieurs mots

Sé'hel > intelligence, esprit, raison, bon sens, prudence, mais aussi croiser

Léhasskil > Etre intelligent, cultivé, déjouer les pièges

Sé'hli > intelligent, mental, spirituel

Léhistakel > agir prudemment, être retenu et raisonnable, chercher à comprendre

Si'hloute > appréhension et compréhension

Haskala >  Instruction, culture, éducation

Lessa'hlen > rationaliser, intellectualiser

Heschkel > moralité

Si'htanout > rationalisme

Si'hloul > Amélioration, perfectionnement

 

Gageons que ce site puisse nous apporter quelques lumières.

Aschkel pour Lessakel.

 

 

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