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24 novembre 2009 2 24 /11 /novembre /2009 18:14
Terra Incognita : Où est la banalité accordée aux Juifs ?
 
23 nov 2009

SETH J. FRANTZMAN , THE JERUSALEM POST
 
 
 
Adaptation française de Sentinelle 5770
 
Le 20ème anniversaire de la chute du mur de Berlin nous rappelle une nouvelle fois la théorie de la « banalité du mal ». Il est important d’explorer la manière selon laquelle la pensée contemporaine considère les actes des Allemands de l’Est et de leurs aïeux nazis comme « banals », et pourtant, que les mêmes qui jugent leurs actes sans intérêt, tendent à juger Tsahal avec sévérité.
 
Une discussion sur le sujet doit commencer par évoquer le réalisateur de film et intellectuel israélien célébré, Eyal Sivan.
 
Sivan est d’abord connu pour ‘Le Spécialiste’, un film de 1999 sur Adolph Eichmann. Les thèmes principaux de Sivan dans sa production étaient qu'Israël a créé un véritable culte national de l’Holocauste ; que les Israéliens sont capables de ressembler de plus en plus aux nazis par leur traitement des Palestiniens, et que Eichmann, l’un des plus grands organisateurs nazis de meurtre de masse, était un type, somme toute, « banal » ou ‘passe-murailles’, donc simplement partie d’un système, mais n'étant pas, lui-même, particulièrement maléfique.
 
L’oeuvre de Sivan met ses pas dans ceux de la philosophe Hannah Arendt, une juive née en Allemagne qui eut une histoire d’amour avec le philosophe nazi Martin Heidegger avant de s’enfuir à New York en 1941. Elle reprit sa relation après la guerre, défendit son partenaire philosophe à son procès, puis défendit la thèse de la « banalité » d’Eichmann dans son fameux livre « Eichmann à Jérusalem : rapport sur la banalité du mal » (1963).
 
Arendt et Sivan sont des intellectuels connus et respectés, dont les idées influencent les opinions contemporaines sur l’Holocauste.
 
Nombreux sont ceux qui ont remis en question Sivan et Arendt en essayant de prouver qu’Eichmann était loin d’être banal ; que c’était un individu menant une croisade, une personne unique qui excellait dans son travail, et pas simplement une plus grosse « machine » bureaucratique que ne l’était le nazisme dans son ensemble.
 
Mais peut-être que la question à poser ne devrait-elle pas être de savoir si Eichmann était banal, mais bien si les Juifs sont banals.
 
Arendt est allée jusqu'à reprocher aux Juifs leur propre mort, proclamant que les Judenrat et leur participation à la bureaucratie nazie était un catalyseur de l’Holocauste. Pour Arendt, les coupables étaient les collaborateurs juifs, qui étaient tout sauf banals, et pas les nazis qui dirigeaient toute l’affaire.
 
Pour Sivan également, les nazis sont aussi des idiots banals incolores, tandis que les Juifs sont les coupables. Mais, dans ce cas, c’est surtout le régime sioniste qui l'est, pour oser commémorer l’Holocauste et, soi-disant, effacer la mémoire palestinienne de la « nakba » de 1948, pour mieux continuer de supprimer la Palestine.  
 
Tout cela nous ramène à la chute du Mur de Berlin. Pendant les célébrations de l’anniversaire, pour marquer l’évènement, des groupes d’activistes européens, ainsi que leurs amis israéliens et palestiniens, ont mis en scène une protestation particulièrement violente et vociférante à proximité de la barrière de sécurité, près de Nili’in sur la Rive Occidentale, site d’une protestation hebdomadaire contre la barrière. Ils voulaient associer l'iamge du mur d’Israël avec celle du Mur de Berlin. Le New York Times les gratifia d'une photo titrée : « Ce mur tient encore ».
 
Comment la philosophie de la banalité d’Arendt-Sivan est-elle liée à la chute du  Mur de Berlin ?
 
Beaucoup de ceux qui écrivent sur le régime Est-Allemand et la Stasi, sa police secrète, tendent à décrire les soldats qui gardaient le mur comme des agents banals. Quand ils obéissaient aux ordres de « tirer pour tuer » contre ceux qui essayaient de fuir à l’Ouest, ils sont inévitablement excusés.
 
Un programme sur la chaîne ‘National Geographic’ a déclaré qu’ils devaient « lutter contre leurs propres démons » et que ce doit avoir été « terrible » pour eux de tirer sur leur propre peuple. On peut ressentir par là que le tireur était autant la victime que ceux sur qui il tirait.

Mais en focalisant sur tout ce combat et cette lutte intérieure vécus par les gardes-frontières de l’Allemagne de l’Est, on pourrait avoir oublié qu’ils exécutaient des ordres criminels. Et pourtant, avec la chute du Mur de Berlin, aucun des chefs de la Stasi n’a été jugé. La Banalité a triomphé. (Puisque) Le système en Allemagne de l’Est était mauvais ; (il s'ensuit) qu' aucun individu n’avait commis nul crime.

 
La réunification de l’Europe a été rassasiée de telles amnisties pour les  meurtriers. A l’exception de quelques cas, la majorité des criminels communistes a été oubliée. L’idée était, comme en Afrique du Sud, dans l’Espagne après Franco et en Irlande du Nord, que le passé était le passé. Pas de procès-spectacle. Pas de vengeance.
 
Et pourtant le même système judiciaire européen qui oublie le passé des communistes et de Franco est celui, en Belgique, en Espagne et en Grande Bretagne, qui se permet lui-même d’enquêter sur les « crimes de guerre » de Tsahal à Gaza.
 
Comment a-t-il pu arriver que le système judiciaire anglais, qui a été incapable d’enquêter sur le « Bloody Sunday » en Irlande du Nord, quand les parachutistes britanniques ont tué 14 personnes en 1972, puisse enquêter sur le lointain Israël ? L’Angleterre a attendu 30 ans pour organiser une enquête sur le ‘Bloody Sunday’ ; on enjoint à Israël de le faire le lendemain matin. 
 
Le thème central qui traverse tout ce cheminement est que les Juifs, comme Peuple, ne sont pas perçus comme banals. Comme tels, ils sont perçus comme individuellement maléfiques quand ils font des choses perçues comme mauvaises.
 
Un soldat juif de Tsahal qui commet un crime en service ne peut pas mener une espèce de lutte interne morale ; il est particulièrement enclin à mal faire. Son crime fait partie d’un système qui est décrit comme uniquement maléfique.
 
Quand des statistiques démontrent qu’il n’y a pratiquement aucun exemple de viol chez les soldats de Tsahal, une étudiante en Mastère de l’Université Hébraïque, soutenue par une faculté influente, a écrit une thèse mettant en avant que les soldats israéliens ne violent pas les femmes arabes à cause de la nature « raciste » de Tsahal. La thèse a été célébrée parce que même en Israël, des gens sont convaincus que les actions juives sont si spécifiquement maléfiques, que même l’absence d’action (par exemple, ne pas violer) provient d’un instinct pernicieux.
 
Le problème relève d'une absence de (droit à la) banalité.
 
Des philosophes, des intellectuels et des gens du commun ont pareillement transformé les régimes les plus sataniques en bureaucraties banales, avec des SS et des garde-frontières  pleins de débats intérieurs. Le moins qu’ils puissent faire est d’user des mêmes standards quand ils jugent de Tsahal.
 
L’auteur est chercheur à l’Université Hébraïque de Jérusalem.
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A tous nos chers lecteurs.

 

Ne vous est-il jamais venu à l'esprit d'en savoir un peu plus sur le titre de ce blog ?

Puisque nous nous sommes aujourd'hui habillés de bleu, il conviendrait de rentrer plus a fond dans l'explication du mot lessakel.

En fait Lessakel n'est que la façon française de dire le mot léhasskil.

L'hébreu est une langue qui fonctionne en déclinant des racines.

Racines, bilitères, trilitères et quadrilitères.

La majorité d'entre elle sont trilitères.

Aussi Si Gad a souhaité appeler son site Lessakel, c'est parce qu'il souhaitait rendre hommage à l'intelligence.

Celle qui nous est demandée chaque jour.

La racine de l'intelligence est sé'hel שכל qui signifie l'intelligence pure.

De cette racine découlent plusieurs mots

Sé'hel > intelligence, esprit, raison, bon sens, prudence, mais aussi croiser

Léhasskil > Etre intelligent, cultivé, déjouer les pièges

Sé'hli > intelligent, mental, spirituel

Léhistakel > agir prudemment, être retenu et raisonnable, chercher à comprendre

Si'hloute > appréhension et compréhension

Haskala >  Instruction, culture, éducation

Lessa'hlen > rationaliser, intellectualiser

Heschkel > moralité

Si'htanout > rationalisme

Si'hloul > Amélioration, perfectionnement

 

Gageons que ce site puisse nous apporter quelques lumières.

Aschkel pour Lessakel.

 

 

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