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2 octobre 2009 5 02 /10 /octobre /2009 15:08

La voix des DALIT

entre populisme, négationnisme et judéophobie.

II ème Partie.

 

 

 

PAR SACHA BERGHEIM

 

 

SACHA nous propose en deux parties de découvrir un aspect peu connu de l'Inde dans ses structures sociales :

Les datit Panthers.

Texte exceptionnel.

Tous nos remerciements.
Aschkel et Gad



DALIT

De la haine anti-brahmane à la haine antijuive.

Un des organes principaux de diffusion des thèses racistes des dalit panthers est la « Voix des Dalits » (Dalit voice), fondée et dirigée par Vontibettu Thimmappa Rajshekar, né en 1932 dans une sous-caste kannara.


   

 

C'est sous son influence que le discours de défense en faveur des dalits s'en transformé, sous l'influence de l'afrocentrisme judéophobe de Nation of Islam, dont il s'inspire directement, en un discours violemment antisémite. Les poncifs antisémites et les théories conspirationnistes sont reprises et réinvestis sous la forme d'une défense ultra-nationaliste d'une indianité dalit.

Soutien répété du régime théocratique iranien – ses représentants se rendront en Iran au moment des colloques sur l'Holocauste – et défenseur indéfectible des diatribes négationnistes d'Ahmadinejad, il diffuse les thèses des Protocoles des Sages de Sion, en prétendant que « les Brahmanes et les Juifs se sont unis pour asservir les Musulmans, les Noirs et les Dalits. »

Partant du principe qu'un Juif l'est par la naissance comme un Brahmane l'est en vertu de sa naissance, et du principe antisémite que les Juifs seraient un fléau pour l'humanité, il qualifie les Brahmanes de « Juifs de l'Inde ».

De façon paranoïaque et irrationnelle, ils réduisent les Guerres Mondiales, la montée du communisme ou l'essor d'Hitler à des manipulations sionistes à l'échelle planétaire, et soutiennent l'idée inconsistante d'un pouvoir juif aux USA et dans les médias.

L'assimilation rhétorique entre Juif-sioniste-Brahmane et oppression, trouve son origine paradoxale dans le refus juif de tout prosélytisme, réduit à un choix aristocratique identique au clivage indien fondé sur la hiérarchie de naissance.

 

La thèse d'un pouvoir juif mondial dominant les peuples se voit réintroduit dans le contexte indien sous la forme d'un « complot sioniste-brahmanique ». Faisant le parallèle entre la proportion de Juifs aux USA et celle des brahmanes en Inde, ils détiennent ainsi la clé d'un discours associant jalons nationalistes indiens et thématiques diffusés mondialement.

« L'inde est dirigée par les Brahmanes qui ne sont que 3% de la population. De façon similaire, l'Amérique est contrôlée par ses 3% de Juifs. Les deux groupes proviennent du Moyen-Orient et ont les mêmes caractéristiques génétiques. C'est pourquoi nous les appelont les Juifs de l'Inde. »

En 2002, Rajshekar déclarait : « les Brahmanes, que nous avons décrit comme les Juifs de l'Inde, ont battu les Juifs en perversité, dissimulation, traitrise. »

Ce narratif conspirationniste pathétique se double aussi d'un négationnisme classique adossé à une apologie du national-socialisme qui le rapproche du mouvement antinoir et antijuif Christian Defense League américain, que Dalit voice affirme soutenir.

« La propagande sioniste repose sur l'idée que les Juifs avaient besoin de leur foyer pour échapper aux persécutions allemandes et nazies menées par Hitler. Ce sont ces « persécutions » qui sont devenus connues dans le monde sous le nom de Holocauste. »

 

Discours conspirationniste, colmatant des bribes factuelles avec un ciment négationniste.

« Les Juifs sont passés maîtres dans l'art de la propagande et ont assassiné la verité en prenant d'assaut tous les médias et en tuant la vérité par le monopole des médias. Quelle est cette vérité ? Alan Hart, historien anglais et correspondant de la BBC, dans son livre Le Sionisme, le véritable ennemi des juifs de 2005, dit qu'Hitler n'était pas anti-juif. Au contraire, les Juifs l'ont entièrement soutenu. »

« Le monde connaît beaucoup de choses sur l'holocauste, qui est largement exagéré, s'il n'est pas simplement complètement mensonger. Mais ce que le monde ne connaît pas, c'est l'holocauste vieux de 3 000 ans dû aux « Juifs de l'Inde » qui l'on tenu secret et enterré sous les montagnes de mensonges appelées la non-violence, la justice et la verité à la Gandhi. »

Dénonçant le rapprochement Inde-Israel confrontés au terrorisme islamique, ils prétendent que « la collaboration entre les « Juifs de l'Inde » est les Juifs de Israel sioniste est plus dangereuse que les Juifs eux-mêmes. ».

Or, c'est précisément ce fond théorique raciste qui constitue le socle argumentatif de l'institution All Indian Christian Council dirigé par Joseph D'Souza qui écrit, sous une forme plus policée, mais qui relève des mêmes fondements :

« Les terroristes hindous-nazis dirigés par le RSS [mouvement propagandiste nationalsite hindou] se gonflent souvent du nationalisme indien ou du nationalisme culturel. Ils dépensent beaucoup d'argent et de temps à voir se lever un patriotisme national parmi les Hindous. Mais est-ce que l'inde est vraiment une nation ? »

 

Le mode explicatif des dalits panthers repose ainsi sur une inversion du sens de l'histoire. De la même façon que l'antisémitisme européen, il se fonde sur une contestation de l'histoire dite officielle. Divergeant de l'école des subaltern studies pour qui le contre-modèle indien s'oppose au modèle traditionnel britannique, la vision de l'histoire du mouvement associe une trame narrative similaire au discours des théoriciens nazis (notamment concernant l'opposition factice aryen-brahmane / dravidien-dalit) et une réécriture de l'histoire sur ce postulat xénophobe.

Cela les conduit à faire de la partition de l'Inde le produit d'une caste brahmane unie et dont le projet serait la division de l'entité culturelle indienne afin de maintenir sa domination sur la société.

Nous trouvons ainsi chez Rajshekar et Dalit Voice une nébuleuse de théories racistes, antisémites, dont le point commun reste l'indigence intellectuelle et la confusion mentale, cimentée par la haine.

   

 

Les articles de Dalit voice reprennent également à leur compte la thèse de Gerald L. K Smith dans The Jews and the Communism, faisant du communisme le produit d'une conspiration juive antichrétienne. Considéré comme le leader de l'antisémitisme aux USA, partisan de la suprémacie blanche, il constitua le America First Party après Pearl Harbor, et participa activement aux « Chemises d'argent » de William Dudley Pelley créées sur le modèle des « chemises brunes ».. Il a pratiqué un lobbying actif aux USA en faveur de la libération des criminels de guerre nazis condamnés par le Tribunal de Nuremberg, et se fit le porte parole du négationnisme le plus radical et le promoteur de la théorie de la conspiration juive, ainsi que l'avocat de politique de stérilisation forcée en Afrique.

Le livre de Benjamin Freedman The Zionist Control of America, constitue une des sources les plus lues. Né en 1890 et chrétien d'origine juive ashkénaze, il s'inscrit dans la lignée des convertis faisant de l'antisémitisme la marque de pureté de leur nouvelle foi. Il engagea ainsi une polémique haineuse contre le Talmud et certains rituels juifs. Fondateur de la Ligue pour la Paix et la Justice en Palestine en 1946, il réduit la restauration d'Israel au produit d'un lobbying juif suractif auprès des Américains qui, ainsi, auraient renié leur philogermanisme naturel. Les guerres mondiales sont réduites à un projet sioniste caché : les conflits mondiaux auraient été instrumentalisés au profit des Juifs. Il est aussi connu pour la reprise politisée de la théorie non-scientifique de Abraham Poliak, de 1941, d'une origine khazar des Juifs ashkénazes, théorie dont le but est de dénier le droit à l'établissement d'un foyer en Palestine, terre d'origine du peuple juif. Théorie perverse qui aurait pour effet de relativiser l'antisémitisme allemand, puisqu'il s'appliquerait au judaïsme et non aux ashkénazes, usurpateurs non-sémites du judaïsme, qui en auraient ainsi payé le prix.

A ces pamphlets, il faudrait ajouter les pathétiques Who controls de Whistey Trust? De John Benedict, Zionism rules the World, de Henry H. Klein, the Truth about the Jewsd'Alexander Ratcliffe, ou encore Zionism: the Hidden Tyranny, de Ben Freedman.

 

Une idéologie fascisante contre l'Inde et l'Occident.

Ce narratif antisémite et raciste, que nous retrouvons en Europe lors des alliances rouge-vert-brun à la Gouasmi-Soral-Dieudonné, devient le moyen argumentatif de légitimer avec acharnement l'apologie de la violence et de l'élimination physique des ennemis désignés du mouvementdalit et des Musulmans, en se présentant comme victime de conspirations surpuissantes judéo-brahmanique – et non judéo-maçonnique cette fois-ci – dont ils seraient les derniers opposants.

En érigeant alors l'élement juif comme archétype de l'ennemi dissimulateur et violent, la doctrine des dalits panthers et, de façon sous-jacente, de l'AICC, qui en partage le fond idéologique, tente d'universaliser sa cause, par un déni de sa nature xénophobe (puisqu'elle reprend le clivage dont elle se s'affirme victime), par l'intermédiaire d'une lutte manichéenne des forces mondiales de mal (le sionisme) face aux différents opprimés-résistants restaurant leur dignité dans l'élimination physique de celui qui en incarne l'obstacle.

C'est à l'occasion du négationnisme qu'émerge avec plus de force l'apologie des projets génocidaires.

 

Mais, à la différence de l'islamisme, le mouvement desdalits panthers n'adopte aucune eschatologie et inclut un discours sécularisé repris des mouvements marxistes indiens actifs surtout en Andhra Pradesh.

Son paradoxe réside dans cette association entre un discours de défense fondé sur un discours de haine.

L'intérêt matériel et financier de ses leaders politiques a conduit à sa réintégration partielle dans le champ politique régional indien, par le biais de négociations électorales autour de l'alliance dravidienne.

C'est aussi ce même calcul qui, au nom d'une défense supposée des Musulmans contre les Brahmanes, les conduit à fermer les yeux sur les violations flagrantes envers les basses castes au Pakistan voisin.

C'est enfin cette même compromission qui les conduit à cette alliance temporaire et stratégique, selon eux, avec les mouvements judéophobes et négrophobes américains.

 

La marginalité de ce mouvement s'oppose à un large consensus pan-indien, mais le réinvestissement totalement fanstasmé du sionisme à des fins politiques n'est pas sans rappeller également le consensus antisioniste politique, dans la plupart des médias et parmi les leaders des anciens pays colonisés depuis Bandung.

 

D'un côté, la violence endémique due à la rebellion rurale et marxiste en Inde laisse persister un espace de conflict dans la société indienne, permettant une certaine diffusion des thèses judéophobes dans un pays connu pour son ouverture. C'est donc la mise en cause de l'unité indienne qui se joue à travers cette critique radicale du système des castes.

De l'autre, s'il semble exagéré de parler d'une internationale antisioniste, on ne peut qu'être méfiant face à l'essor à l'échelle mondiale de thèses antisémites où l'élément juif y est instrumentalisé à des fins politiques et violentes. Hannah Arendt relevait justement cette banalisation des thèses judéophobes dans les années 1930 non seulement dans la propagande nazies mais dans les milieux de diffusion du savoir occidentaux, ayant conduit à exclure les minorités juives de l'espace commun puis de l'espace des êtres humains.

 

Car il n'y a rien de moins dangereux pour la liberté qu'une politique fondée sur la caution à l'irrationnel.

 

Sacha Bergheim 

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2 octobre 2009 5 02 /10 /octobre /2009 14:07

 

La voix des DALIT (1ère Partie)

entre populisme, négationnisme et judéophobie.

 

 

PAR SACHA BERGHEIM

 

 

SACHA nous propose en deux parties de découvrir un aspect peu connu de l'Inde dans ses structures sociales :

Les datit Panthers.

Texte exceptionnel.

Tous nos remerciements.
Aschkel et Gad.



Le géant indien est un des pays au monde les plus confronté aux attentats.

 

Des embuscades artisanales des autonomistes Bodo contre la police de l'Assam, Etat du nord-est de l'Inde, aux attentats meurtriers menés par le Lashkar-e Taiba à Mumbai en novembre dernier, le pays subit plusieurs dizaines d'attaques par mois, et ce depuis plusieurs années.

Dans un contexte trouble, associant très souvent corruption des autorités locales, défaillance de l'Etat fédéral, trafics en tout genre, et financements moyen-orientaux, les mouvements de défense des Dalits comme les dalits panthers ou dalit voice constituent un groupe particulier au discours radical et contradictoire.

À la fois fortement imprégné de culture indienne et incorporant des apports hétéroclites provenant des idéologies totalitaires, il prône l'émancipation tout en se fondant des théories racistes et violemment judéophobes.

 

Dalit panthers : le paradoxe indien poussé à son extrême ?


Dalit
 signifie « opprimé ». Ce terme a été employé pour la première fois par un intellectuel marathe connu pour ses engagements modernistes, Jyotirao Phule, au XIXe siècle. Par daliton désigne en Inde les « hors-castes », nommés « pãnchama » (la cinquième catégorie) selon la tradition, également appelés « untouchable » par les Britanniques, « scheduleld class and scheduleld tribes » par l'administration post-indépendance, ou « harijan », enfants de dieu, par le Mahatma Gandhi.


Plusieurs dénominations qui ne parviennent sans doute pas à décrire une situation complexe et diverse.


Entre les dalits victimes de brimades par les caciques locaux de l'Uttar Pradesh, Etat de la vallée du Gange, et les dalits diplômés des renommés Indian Institutes of Technology, ce sont deux réalités antinomiques.

 

La société indienne est traditionnellement fondée sur la séparation des individus en groupes et sous-groupes héréditaires. Ce système est résumé généralement par le terme de « caste », qui n'en est qu'un des aspects.


Son principe de base est la fonction.


La répartition des individus dans la société se fonde ensuite sur une association entre « varna » (la couleur, la classification), et « jati » (forme d'existence fixée par la naissance). « Varna » correspond à la division fonctionnelle de la société et « jati » à la filiation. C'est par ces deux concepts que sont régies les relations intercastes.


On compte habituellement quatre groupes : les brahmanes, les kshatryas, les vayshias et lesshudras. Si les dalits constituent la part de la population hindoue qui n'appartient à aucune de ses catégories génériques, ils ne forment pas une population unie, mais un aggrégat d'exclus du système de castes.


En réalité, chacune de ses catégories se subdivise en plus d'un millier de sous-groupes, réglementés par des règles traditionnelles souvent opposées par le « jati ». Il s'agit en réalité de l'adoption de codes et règles de groupes endogames au sein d'une même caste, avec des effets hiérarchiques combinés à une répartition professionnelle et même intraconfessionnelle, spécifique aux différentes régions de l'Inde.


Le fait même d'être hors-caste-trouve racine à la fois dans la répartition fonctionnelle des activités humaines au sein de la société, et, selon la tradition, sur une stricte séparation du pur et de l'impur, l'homme étant touché par l'impureté de ce qu'il fait.


Ainsi, les tâches considérées comme impures ont été dévolues aux hors-castes : comme le tannage des peaux, la blancisserie, la pêche, l'abattage d'animaux,.... À l'inverse, les cérémonies religieuses sont dévolues aux brahmanes.


D'autres règles pratiques en découlent. Un brahmane ne peut en aucun cas manger de la nourriture préparée par un kshatrya, encore moins par un dalit. Inversement, un shudra peut manger un plat préparé par un brahmane. Mais au sein de la « caste » des shudras, certains sous-groupes, ou « jati » vont adopter des rituels les assimilant à des brahmanes au sein de leur entité.


Cette description traditionnelle se trouve aujourd'hui largement contestée par la répartition politique et économique du pouvoir qui ne repose plus véritablement sur le jeu des relations intercastes.

 

Le paradoxe indien réside dans le maintien partiel, réduit la plupart du temps à des traditions matrimoniales endogamiques, d'une société fondée sur un clivage relatif.


La persistance de situations de non-droit généralisé (zones rurales périphériques notamment) a toutefois conduit à un renforcement de l'exclusion sociale de certaines parties de la population, notamment des basses castes, hors-castes, et de façon quasi systématique, tribus, subissant des discriminations récurrentes.


La politique du statu quo devient le point de focalisation des antagonismes interreligieux du sous-contient. Les « deux fois nés », c'est-à-dire les hautes castes reprochant au gouvernement les quotas de basses castes restreignant leurs possibilités d'études ou de carrière. De plus, la population musulmane et la population chrétienne de l'Inde sont en grande partie l'héritage de vagues de conversion de dalits sortant par la voie religieuse du système d'inter-obligations propre à l'hindouisme et qui leur était largement défavorable.


Un hors-caste devenu musulman ou chrétien est alors régi par une autre fonction. Mais bien qu'il soit dispensé de la hiérarchie traditionnelle souvent oppressive, il retrouve certains antagonismes sociaux au sein même de sa nouvelle communauté religieuse. Mais la hiérarchie symbolique, interne dans le cas l'hindouisme, devient externe, dans le cas de l'islam, avec la supériorité naturelle du musulman sur les non-musulmans. Compensation symbolique qui explique en partie le soutien des mouvements politiques dalits pour le radicalisme musulman.

 

L'échec partiel de la politique de discrimination positive.


Le premier porte-parole et défenseur acharné des dalits dans l'Inde contemporaine est le Docteur Bhimrao Ambedkar.

 



Dr B.AMBEDKAR


En 1932, les nationalistes indiens s'accordent lors du Poona Act sur la garantie des droits des dalits à l'initiative d'Ambedkar. La spécificité de cette décision est de garantir la représentativité de toutes les parties de la société indienne, y compris ceux qui en étaient exclus.

 

Le nouvel Etat indien indépendant abolit le système des castes et ne reconnaît qu'une discrimination sociale (et non une discrimination fondée sur les castes), en vertu de laquelle il établit une politique de discrimination positive. La commission Mandal, établie en 1979, alors que le gouvernement fédéral était dirigé par Morarji Desai, a abouti à l'augmentation des quotas réservés de postes à l'université et dans les administrations en faveur des SC/ST (scheduleld class/scheduleld tribes) jusqu'à atteindre 49,5%. Entre 1997 et 2002; Kocheril Narayanan a été le premier président intouchable de l'Inde.


Or, le maintien d'une conscience de caste, ainsi que la virulence des haines interreligieuses qui s'étaient manifestées lors de la Partition, ont conduit le Dr Ambedkar, en 1956, à organiser la conversion collective au bouddisme de plus de 200 000 dalits à Nagpur.


Bien que né en Inde, le bouddisme est largement marginal et prône une égalité totale des individus, substituant à la hiérarchie fonctionnelle la séparation laïcs-religieux.


Si la situation des dalits va considérablement s'améliorer en soixante ans, dans ce pays essentiellement rural de plus d'un milliard d'habitants, les dalits conservent encore largement une position marginale au sein de la société, tout en représentant près de 20 % du corps électoral.


Situation paradoxale d'un statut vécu et transmis par tradition, et admis par l'Etat sous la forme statistique de l'inégalité sociale.


Paradoxe qui devient explosif quand un mouvement politique en fait son champ de bataille.

 

La défense des dalits devenue promotion de la xénophobie.


Le mouvement des dalits panthers émerge entre 1970 et 1972, soit moins de dix ans après celui des Black panthers, sous le nom de Viduthalai Siruthaigal.


Par sa dénomination, il pourrait se rattacher à l'ensemble des mouvements revendiquant un usage prononcé de la violence afin d'abolir une oppression subie et d'obtenir une prise de pouvoir comme l'élément perçu comme dominant.


En examinant de plus près ses revendications, la dénonciation de la discrimination se fonde plutôt sur un discours lui-même marqué par le clivage, la discrimination, l'exclusion, et où les opprimés d'antan sont appelés à devenir les maîtres futurs.


Une discrimination naturelle et légitime destinée à remplacer une discrimination artificielle et illégitime.


Cette lutte intercaste prônée par le mouvement a pour cible ce qu'il prétend être une domination brahmane sur la société indienne.


Il y aurait en Inde, selon eux, une surreprésentation brahmane au sein des élites indiennes, héritage d'un système ancien né de l'invasion aryenne et de l'exclusion par le sang et le viol des populations autochtones dalit et adivasi (tribales).


Dans Dalit Freedom (p.33), Joseph D'Souza, à la tête du All Indian Christian Council, il écrit : « Quand les aryens ont envahi l'inde il y a environ 3 500 ans, ils ont combattu et vaincu les dravidiens et les autochtones. Pour maintenir la pureté de leur race, les envahisseurs aryens ont créé leur propre ordre social et ont divisé la société. C'est ainsi qu'a commencé le système des castes et la mise en place d'une ségrégation sociale et économique ordonnée et organisée par les envahisseurs aryens. Avec le temps, cet ordre social, connu sous le nom de système des castes, a acquis sa légitimité religieuse hindoue. »


 



                                                       J.D'SOUZA

Revendiquant moins une répartition mathématique des individus selon leur appartenance de caste qu'une destruction du système hindou dont ils considèrent les  brahmanes comme les seuls bénéficiaires, les mouvements dalits appellent à une élimination définitive du « brahmanisme », au profit des nouvelles religions de conversion : l'islam ou le christianisme.

 

Doctrine fondamentalement xénophobe – qui s'apparente aussi à une idéologie anti-blanche, dans la mesure où les brahmanes sont censés tirer leur origine de l'invasion aryenne, tandis que les hors-castes étant censé descendre des populations autochtones, d'origine dravidienne le plus souvent, à la couleur de peau plus foncée, et réduites à un état de servitude par les envahisseurs.


Or, le père des droits civiques en Inde, le Dr Ambedkar, relevait en 1948, dans Who were the Untouchables, que le modèle de l'invasion était non seulement erroné, mais reposait sur des fondements racistes :


« Les Dravidiens ont envahi l'Inde et ont dominé les Aborigènes, les rendant intouchables. Après, ce fut le tour des Aryens d'envahir l'Inde et de réduire les Dravidiens au rang de Shudras. Cette théorie est trop mécanique, rien d'autre qu'une pure spéculation de l'esprit, trop simpliste pour rendre compte de la complexité des facteurs à l'origine de la caste des Shudras et des Intouchables. » [...]


« La théorie raciale de l'intouchabilité (Untouchability) trouve peu de confirmation dans l'anthropométrie, et n'explique aucun fait étudié par l'ethnologie de l'Inde. Que les peuples de l'Inde aient été dans le passé organisés selon des bases tribales est bien connu, en dépit des castes, cette organisation tribale a perduré. Chaque tribu est divisée en clans, composés de groupes familiocentrés, disposant chacune d'un totem. Ceux qui possédaient un totem commun formaient un groupe exogame appelé Gotra. Des familles ayant un gotra commun ne pouvaient se marier entre elles, car elles étaient supposées avoir des ancêtres communs. En rapportant ce fait à la distribution des totems parmi les différents groupes et castes, on peut de façon expérimentale, mesurer ce que peut être la race en Inde. Ce qui implique, en toute rigueur, l'abandon de la théorie raciale de l'origine de l'intouchabilité. »

 

Anti-brahmane, le groupe est aussi anti-blanc. Cette xénophobie s'asseoit sur une idéologie qui combine la reprise d'éléments antisémites réinvestis dans un discours nationaliste indien, associé à des appels à la violence et à la recherche de boucs émissaires.


Or, en 1916, le Dr Ambedkar soulignait déjà, dans Castes in India, que


« Les peuples de l'Inde forment un tout homogène [à la différence des populations noires, blanches et indiennes aux Etats-Unis, selon Ambedkar]. Les différentes races de l'Inde occupant des territoires définis se sont mélangées les unes avec les autres et disposent d'une unité culturelle qui est le seul critère pour évaluer l'homogénéité d'une population. Les castes en Inde forment une division artificielle de la population dans des unités figées et définies, chacune d'entre elles évitant le mélange par l'usage de l'endogamie. Mais l'étendue du système des castes est bien une tâche trop considérable pour qu'elle ait pu être réalisée par le pouvoir de quelques individus ou d'une classe. Il en est de même de la théorie selon laquelle les Brahmanes ont créé les castes. Après avoir lu les lois de Manu [Le Manusmriti est un code législatif et social de l'inde classique prônant la division de la société en caste], je ne peux dire rien d'autre qu'une telle théorie est fausse du point de vue de la théorie et dangereuse du point de vue des intentions. Les Brahmanes ont pu être responsable de beaucoup de choses, et j'ose dire qu'ils le sont, mais l'adoption du système des castes à l'encontre de la population non-brahmane était bien loin de leur champ de possibilité. »

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13 septembre 2009 7 13 /09 /septembre /2009 20:17

Herzl est généralement connu à travers des raccourcis où le fondateur du sionisme pragmatique ne serait qu'un Juif assimilé doublé d'un opportuniste, oscillant entre l'option ougandaise et les flatteries de Juif de cour auprès des puissants, du sultan Abdülhamid II et de l'empereur Guillaume II à l'antisémite ministre de l'intérieur russe Plehve.

Qui plus est, en ces temps de judéophobie parée de l'alibi antisioniste, Herzl devient l'incarnation du colonisateur cynique, à l'origine d'une invention déracinée, le sionisme.

Pour autant, en 1902 paraissait à Leipzig, deux ans avant qu'il ne décède, un roman intitulé Altneuland, dont le sous-titre faisait office de programme : « Si vous le voulez, ce ne sera pas un rêve. »

Nous vous proposons un parcours dans ce roman, afin de découvrir ou re-découvrir la pensée de Herzl et son humanisme pétri d'attachement au peuple juif.

En 1897, le Premier Congrès Sioniste de Bâle marque la naissance du mouvement sioniste pragmatique. Pour son initiateur, Theodor Herzl, cela semblait improbable, mais cinquante années plus tard, ce n'était plus un projet, c'était une réalité.

En 1902, il publiait 
Altneuland, un roman qui prenait pour thème la restauration du peuple juif sur sa terre. 
Roman utopique, pour les contemporains de l'auteur, roman quasi prophétique, pour nous, alors que nous avons fêté les soixante ans de l'Etat pour les Juifs tant espéré par Herzl.

Je vous propose de partir en cinq étapes à la découverte de ce roman, plutôt méconnu, où l'analyse de la société juive ashkénaze dans l'Empire austro-hongrois s'associe avec un attachement délicat et indéfectible à la terre d'Israel et à la renaissance nationale et culturelle du peuple juif.


SACHA BERGHEIM








File:Altneuland.jpg


ALTNEULAND

de

THEODOR HERZL
2ème Episode
 


Résigné, Löwenberg se décide à suivre un certain N.O.Body, pseudonyme derrière lequel se cache, Kingscourt, un allemand originaire de Prusse qui a fait fortune aux Etats-Unis et qui, las du comportement des hommes, a choisi de vivre retiré du monde au coeur d'une île du Pacifique.

Après vingt années de rupture avec la monde, le yacht de Kingscourt se retrouve en Mer rouge.

Nous sommes en 1923 et les deux amis, Kingscourt et Löwenberg sont curieux de découvrir ce que l'Europe est devenue. Bien sûr, au moment où Herzl écrit son roman, il n'est pas question d'une guerre mondiale.

A Port-Saïd, ils sont surpris d'apprendre que les bateaux ne passent plus vraiment à travers le canal de Suez. Comment les trajets entre l'Europe et l'Asie se faisaient-ils alors ?

Un capitaine de navire allemand leur en donne la clé: le trafic entre l'Europe et l'Asie empruntait depuis une nouvelle voie : la Palestine.

Incrédules, ils précisent : Nous sommes partis depuis longtemps. Nous avons connu la Palestine comme un pays désert.

Le capitaine leur répond en riant : – Un pays désert ?... Vous trouverez à Haifa et à Jaffa les navires les plus rapides pour rejoindre les ports européens ou américains.

Kingscourt demande alors à Löwenberg : Qu'en pensez-vous ? Ne devrions nous pas visiter une nouvelle fois le pays de vos aïeux ?



Nous sommes au printemps 1923, et à peine aperçoit-il la terre d'Israel depuis le navire que Löwenberg s'exclame : Un miracle s'est produit !

Vingt ans après leur première visite, vingt ans après avoir quitté l'Europe dévorée par la judéophobie, les deux hommes découvrent une toute autre réalité.

À peine descendus de leur bateau, les yeux ébahis, et la mine un peu empruntée, ils sont abordés par un homme qui les a observé avec une curiosité similaire :

Êtes-vous le Docteur Friedrich Löwenberg ?

Stupéfait qu'on puisse connaître son nom, ou même encore s'en souvenir, ce dernier acquiesce avant de demander: Mais qui êtes-vous ?

–  Sans doute ne vous souvenez vous plus de moi. Je suis David Littwak, répond l'inconnu.

–  Le garçon qui se tenait devant le café Birkenreis ?

–  Oui, celui que vous avez sauvé de la misère avec ses parents et sa soeur.

David Littwak, le gamin de Vienne qui était parvenu à demander au serveur du café Birkenreis que le Dr Löwenberg était décédé en montagne, et qui, depuis, chaque années, respectait la Jahrzeit avec sa famille.

Commence alors une découverte de la ville moderne d'Haifa, faite d'étonnement renouvellée et de sincère admiration : la place des peuples, au nom évocateur, les palmiers, l'éclairage public électrique, les bâtiments, les voitures, les trams, tout attise la curiosité des deux voyageurs, fixant la foule à se mêlait des hommes du monde entier, des Arabes, des Perses, des Chinois, des Européens.

Tout à coup, Löwenberg reconnaît Schiffmann, présent lui aussi en terre d'Israel, comme « beaucoup d'autres Juifs de toutes les villes et de tous les pays ».



Löwenberg ne peut alors s'empêcher de demander comment cela a-t-il pu être possible ?

Schiffmann lui rappelle alors:

Les persécutions étaient sociales et économiques. Les magasins boycottés, les ouvriers affamés, les Juifs proscrits des professions libérales, sans parler des brimades et des souffrances morales qu'un Juif éduqué devait supporter au tournant du siècle. La judéophobie s'était répandue tant avec des nouveaux alibis qu'en se parant des plus anciens. Les progroms reprirent, et en même temps, on disait aussi que les Juifs empoisonnait la presse – comme au Moyen-Âge on les accusait d'empoisonner les puits –. Haïs par les ouvriers, qui leur reprochaient de prendre leur travail, quand ils étaient ouvriers, exploiteur et profiteur quand ils étaient patrons. Riches ou pauvres, ils étaient haïs de la même façon. Ils furent exclus des emplois publics. Partout dans le pays, ils étaient persécutés. Dans pareilles circonstances, il était clair qu'ils devenaient les ennemis d'une société pétrie d'injustice. En arrivant ici, nous nous sommes sauvés.



En quelques phrases, Herzl dresse de façon saisissante le portrait de la société mitteleuropéenne de la fin du 19e siècle, et anticipe l'accentuation de cette haine antijuive dont le national-socialisme sera l'expression la plus cruelle et la plus meurtrière.

Ce que nous révèle Altneuland dans la pensée de Herzl, c'est qu'il attribue au mouvement sioniste, non pas le principe du retour en terre d'Israel, que la tâche urgente d'assurer la survie du peuple juif. Mais pas seulement. Et c'est bien sur ce point que l'auteur se distingue d'un pur idéologue.

Sur notre terre, qui nous est chère, nous avons reconstruit une nouvelle société.

C'est la terre de nos pères.

Si l'hostilité européenne envers les Juifs lui semble définitive, il considère pour autant la renaissance culturelle du peuple juif sur sa terre serait à même de contribuer à forger une nouvelle identité. Reprenant en cela les thématiques de la régénération développée à la fin du 18e siècle, il envisage le projet sioniste comme un projet à valeur humaniste et universel. C'est un nouveau modèle de société qu'il aspire de ses voeux et qui est en mesure de lever les nationalismes.

Un paradoxe, sans doute, puisque le sionisme est une restauration nationale, mais il illustre cet appel à la fraternité à travers différents personnages comme Reshid Bey, arabe de Haifa et ami de David.

Son père a tout de suite compris l'intérêt d'une immigration juive. Il a participé à notre développement économique et il est devenu riche. Du reste, Rashid est aussi un membre à part entière de notre nouvelle société.



David Littwak incarne à lui seul cette mutation : le garçon misérable, subissant la conditio judaicad'Europe centrale dans toute sa dureté, est devenu un pionnier instruit, ouvert, dévoué à l'accomplissement de cette renaissance du peuple juif sur sa terre. Marié à Sarah et père d'un petit garçon, il a émigré d'Europe avec ses parents et sa soeur qui enseigne désormais le français et l'anglais dans un établissement pour jeunes filles.

Une situation qui n'aurait pas été possible ni même simplement concevable en Europe.

Commence alors la découverte du fonctionnement de la nouvelle société, fondée sur l'ouverture et le travail. Quiconque y est admis dès lors qu'il participe à l'amélioration de cette société.

La conception économique qui prévaut est celle d'une économie de marché associée à une structure coopérative. La terre est propriété de la nouvelle société, allouée aux membres pour une durée de 49 ans afin de prévenir la paupérisation et la spéculation foncière, selon le principe bien connu de l'année jubilaire.

Associant ingénieurs et paysans, chercheurs et ouvriers, cette société qui fait écho de façon remarquable à la société israélienne contemporaine, est fondée sur l'éducation et la santé, ainsi que la liberté de pensée et de presse.

L'intuition de Herzl réside précisément dans le fait que le renouveau juif est en lui-même porteur de valeurs et d'action, et que le sionisme ne pourrait jamais réussir une telle entreprise en n'étant fondé que sur une réaction à l'antisémitisme.

Et c'est là dans ce roman que s'exprime avec le plus d'enthousiasme le sionisme de Herzl.


3ème épisode lundi prochain

 

Par Aschkel
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9 septembre 2009 3 09 /09 /septembre /2009 20:12
source : http://www.hagalil.com/archiv/2009/09/07/hakoah/

Texte traduit par Sacha Bergheim


Mazal Tov à l'Hakoah de Vienne.

Les cents ans d'un club de sport juif.



« L'Hakoah est champion. », titrait le Magazine Sportif Illustré de Vienne le 20 juin 1925. « L'Hakoah a ainsi couronné son ascension sans exemple. » Le club S.C. Hakoah, fondé à Vienne en 1909, entra avec sa section football la même année dans l'association autrichienne du football..



De Jim G. Tobias



Dès la saison 1910/1911, l'équipe juive s'est retrouvée en tête du championnat sans perdre un seul match, et en deux ans réussit son ascension en 2ème division. Avec l'éclatement de la Première Guerre Mondiale, de nombreux joueurs de l'Hakoah furent appelés sous les drapeaux et durent troquer le maillot contre l'uniforme de soldat. « Et la guerre à peine terminée, écrit dans ses souvenirs celui qui a été longtemps président du club, Ignaz H. Körner, ils sont revenus, tous ceux qui étaient revenurs des champs de bataille, et ils se lancèrent à nouveau dans la lutte pour le championnat », si bien qu'à la fin de la saison 1918/1919 de la deuxième division, ils atteignirent la quatrième place. L'ascension dans la plus haute division autrichienne fut accompli une année plus tard, et seulement après cinq autres saisons, l'Hakoah devint champion.

Pour la première fois, une équipe uniquement juive remportait le titre national dans ce sport populaire. Les informations concernant cette extraordinaire équipe footballistique se diffusèrent très vite. Bien que le club n'ait été « en fait qu'un club de football à ses tous débuts », l'Hakoah se considérait comme une véritable communauté destinée à assurer la promotion de la culture physique. C'était la réponse juive au mouvement völkisch dans l'Europe de la fin du 19e siècle et de l'émergence de l'antisémitisme politique.

Bien que les Juifs manquaient de signes d'appartenance nationale, d'une langue ou d'un territoire communs, le sionisme permit le développement d'un mouvement national juif. Les théoriciens de cette idée mettaient en avant l'idéal d'un corps sain et d'un peuple sain. A cette occasion l'activité sportive joua un rôle important, comme l'exigeait Max Nordau lors de second congrès sioniste en 1898, « Nous devons aspirer à recréer un judaïsme fait de muscles »

« Les tournois d'athlétisme ne furent chez aucun autre peuple un devoir pédagogique d'une telle importance. Nous devons nous redresser physiquement et forger notre caractère. C'est grâce aux tournois que nous devons nous doter d'une conscience de nous-mêmes. », insistait Nordau dans le journal juif de l'athlétisme. Dès les premières années du 20e existaient dans l'Europe centrale treize club de sport ou d'athlétisme.

La réussite de la fondation de l'Hakoah le 26 septembre 1909 dans la salle de discours de l'école juive était une réponse directe à l'antisémitisme inévitable dans la capitale autrichienne, où dès 1897, Karl Lueger (Lueger signifie aussi menteur en allemand), un antisémite patenté, avait été élu maire. Dans les premières années du 20e siècle vivaient près de 180 000 Juifs à Vienne, l'Hakoah put rapidement prendre de l'ampleur et devenir le plus grand club de sport juif du monde, avec des sections boxe, escrime, athlétisme, hockey, lutte, tennis de table, waterpolo et football.

Alors que l'Hakoah proposait presque toutes les disciplines des sports de masse et populaires, et connaissait dans ces disciplines de nombreux succès, la section des sports nautiques avec la section de football en était le fleuron. L'équipe de waterpolo a gagné entre 1926 et 1929 trois fois le championnat autrichien et ses joueurs représentaientt dans de nombreuses compétitions presque l'ensemble de la sélection nationale autrichienne. Le 15 décembre 1923, Hedy Bienenfeld, alors âgé de 15 ans, battait pour la première fois lors d'une compétition internationale un record pour l'autriche.

En 1925, sur les neuf compétitions nationales en natation/ waterpolo, sept ont été gagnées par des athlètes de l'Hakoah. Un an plus tard, l'écart était encore plus grand : la section natation accueillit onze vainqueurs. Aux championnats d'Europe de 1927, Hedy Bienenfeld obtient une médaille de bronze, et aux Jeux Olympiques d'Amsterdam de 1928, des membres de l'Hakoah représentèrent la République autrichienne. Huit années plus tard, trois des meilleurs nageuses de l'Hakoah (Judith Deutsch, Ruth Langer et Lucie Goldner) affirmèrent leur opposition au national socialisme en refusant de se présenter au départ des courses des Jeux Olympiques de Berlin en 1936. Elles furent aussitôt exclues de la fédération de natation.

Néanmoins, les plus grands succès de l'Hakoah étaient le fruit de son professionalisme acquis très tôt ou de ses expériences accumulées dans des compétitions internationales. En particulier, l'équipe de football, en plus de matchs amicaux en Europe, fit une tournée en Méditerranée. Par deux fois, l'hiver 1923/1924, et un an après, ils participèrent à des voyages vers la Palestine et l'Egypte.

Un des objectifs de la direction du club était cependant de tenir la comparaison avec des équipes de la Ligue britannique. Dès 1922 Westham United acceptait une invitation pour jouer à Vienne. Devant 40 000 spectateurs, l'Hakoah obtient un match nul devant une équipe largement favorite. La revanche fut remise à l'année suivante. Bien que l'ensemble du monde footballistique européen s'attendait à une large défaite de l'Hakoah, l'équipe de Vienne fit sensation en écrasant Westham par 5 buts à 0. C'était la première fois qu'une équipe entièrement juive parvenait à vaincre une équipe anglaise pourtant réputée invincible. « Hakoah et son équipe ont gagné une renommée éternelle » reconnaissait un reporter sportif anglais. Les Viennois firent un accueil triomphal à leurs héros. Dans la rue Mariahilfer de Vienne, des milliers de citoyens enthousiastes se retrouvèrent dans l'espoir de saluer les joueurs.

Suite à ce succès éclatant, des invitations pour aller jouer en Amérique ne se firent pas attendre longtemps. Bien que le football n'avait pas aux USA une popularité similaire à celle connue en Europe, des investisseurs et des industriels comprirent qu'ils pouvaient gagner de l'argent avec le football. Dans les années 1920 les équipes d'entreprise comme par exemple Bethlehem Steel, New York Giants, Indiana Flooring, J&P Coats ou Brooklyn Wanderers organisèrent une ligue professionnelle. Ses propriétaires étaient naturellement intéressés par des rencontres avec des équipes européennes. L'équipe de rêve de Vienne se tenait tout en haut de la liste de leurs souhaits. Le 17 avril 1926, l'équipe de l'Hakoah arrivait au port de New York. Quelques jours plus tard, les joueurs juifs montraient leur jeux d'exception devant 25 000 spectateurs et remportaient la victoire devant une équipe de joueurs sélectionnés par l'association de l'Etat de New York.

Si on attendait un record d'affluence lors de la première entrée en scène des Autrichiens, personne n'escomptait que ce record de plus de 20 000 personnes serait dépassé. Pour ce match légendraire au Polo Ground, l'antre des New York Giants, plus de 46 000 visiteurs se sont pressés, un chiffre qui n'avait jamais été atteint dans l'histoire du football américain, et qui pendant un demi siècle ne sera pas dépassé. L'équipe américaine, une sélection de joueurs venant des New York Giants et des Indiana Flooring, réussit à vaincre nettement les Européens par 3 buts à 0 et leur montrèrent les limites. « La principale raison de cette défaite résidait dans le fait que les joueurs de l'Hakoah ne maîtrisaient pas la manière rugueuse de jouer des américains. » tente d'expliquer la défaite le magazine sportif illustré. « Ainsi, la défense américaine a bloqué les combinaisons très techniques des Viennois. C'était donc très difficile de défendre le maillot blanc et bleu. »

Dès le lendemain eut lieu un match contre l'équipe de Providence à Rhode Island. Les équipes se séparèrent sur le score de 2 partout. Puis l'Hakoah se rendit au White Soxs Park à Chicago.Là-bas, les onze joueurs juifs retrouvèrent leur forces et firent la démonstration, devant le Sparta Club local du jeu à l'européenne. Devant 15000 spectateurs, Chicago dut encaisser une sévère défaite 1-6. Après un crochet du côté du Mississippi, où une parti contre une sélection de la ville de Saint-Louis fut gagnée par 2-4, l'Hakoah retourna à Chicago.

À peine sept jours après le démonstration de force contre le Sparta Chicago, les joueurs de l'Hakoah devait assurer une performance parfaite contre une « Allstar Team » de la Major League. Les 19 000 fans ont été témoins d'une victoire de l'Hakoah, trois buts à deux. De nouveau sur la côté est, où le 22 mai, à New York au Ebbets Field, puis le lendemain au West Side Baseball Park de l'autre côté de l'Hudson dans le new jersey, des confrontations avaient été fixées.

« Le premier jour, les Viennois ont gagné par 6 à 4 dans un match à nouveau très rugueux. Le dimanche la match se termina sur un nul trois partout »,raconta l'Illustré sportif aux supporters en Autriche, et expliqua ce maigre résultat par la défaille de joueurs importants.

De nouvelles victoires furent annoncées pour les deux dernières rencontres. La revanche contre les New York Giants se termina par une victoire 2 à 1, et la partie de clôture à Philadelphie fut gagné haut la main par 3 à 0. Dans l'ensemble, la tournée américaine fut un véritable succès sportif pour l'équipe autrichienne. 6 victoires, 2 défaites et 2 matchs nuls. Les attaquants de l'Hakoah avait marqué 32 buts, tandis que la défense n'en avait encaissé que 19.

Le jeu enthousiasmant et la technique des joueurs de l'Hakoah avait permis à chaque fois aux clubs américains de remplir les stades et de recevoir un très bon accueil. Les propriétaires perçurent l'intérêt de l'opération, et au total, neuf joueurs de l'Hakoah furent attirés par les salaires et choisirent de jouer dans la Soccer League américaine.

Un an après, l'Hakoah effectua une nouvelle tournée aux USA. À nouveau, des joueurs importants furent recrutés par les américains. Ce qui impliqua pour le club viennois une inéluctable chute qui le conduisit lors de la saison 1927/1928 à abandonner la première ligue.

Auparavant, quelques joueurs de l'Hakoah étaient revenus des Etats Unis. Parmi eux se trouvait Egon Pollak qui après un passage aux New York Giants raccrocha les crampons et devient un journaliste sportif à Vienne, jusqu'à son émigration en Palestine en 1935. Où il entama une carrière comme entraîneur du Maccabi Tel Aviv.

Plus tard, Pollak prit en charge la sélection de l'Association de Football de Palestine lors des tours qualificatifs de la Coupe du Monde de 1938. Après la restauration de l'Etat d'Israel il prit la direction de l'équipe nationale. C'est le 26 septembre 1948, devant près de 40 000 spectateurs, que l'équipe nationale israélienne joua son premier match international contre une sélection olympique américaine, au New Yorker Polo Ground, alors que le pays luttait pour sa survie. Le match se termina par une nette défaite 3 à 1. Mais ce fut une extraordinaire victoire politique et morale pour Israel.

Après l'incorporation de l'Autriche au Reich allemand, en 1938, l'Hakoah fut dissoute sous la contrainte et ses biens aryanisés. Le Sport Tageblatt évoqua le 13 mars l'Hakoah pour la dernière fois. « Ensuite, son nom fut effacé du sport autrichien », comme le souligne avec amertume Arthur Baar. « Beaucoup de fonctionnaires des sports révélèrent alors leur vrai visage et ne s'opposèrent pas à l'antisémitisme violent du reste de la société. » Par chance, beaucoup de joueurs de l'Hakoah purent s'enfuir en Palestine, en Angleterre, en Australie ou aux USA.

Peu après la fin de la seconde guerre mondiale, les survivants et les émigrés refondèrent l'Hakoah. En dépit d'un antisémitisme qui était pratiquement inchangé, ils purent recréer d'autres sections comme par exemple la natation, la boxe, le basketball, le judo, le karate, le tennis ou la lutte. La fédération autrichienne de football attribua à l'Hakoah la deuxième division, où ils étaient en 1938.

Au début, l'équipe connut des succès lors de tournées à Prag, Karlsbad, Bruxelles, Anvers. Suite à l'émigration de nombreux joueurs, l'équipe chuta en 3e puis même en 4e division. Cette chute conduisit à l'abandon de la section football en 1950. Celle dédiée à la natation connut cependant encore de nombreux succès dans les années d'après-guerre. Traudl Fuchs Davidovitch fut convoquée dans l'équipe olympique autrichienne de 1947 et remporta en 1948 et 1949 le titre national sur 100 m crawl et 400 m crawl.

La restitution des biens saisis par les nazis se fit longuement attendre. Elle n'intervint qu'en 2005 et permit la construction d'un centre sportif et de loisirs S.C Hakoah Karl Haber.


Un lieu digne pour fêter le centenaire du club, le 26 septembre.

 

 

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6 septembre 2009 7 06 /09 /septembre /2009 09:46
 
Parallèlement à la tentative -toujours périlleuse- de ne pas nous laisser noyés par les tumultes de l'actualité, nos blogs, aschkel.over-blog et Lessakel collaborent avec des pages qui nous rappellent qu'on ne peut comprendre le présent sans connaître les processus originels. C'est ce que fait, de main de maître, l'ami Sacha, sur :  http://contrecourant1.wordpress.com/. De concert avec lui, nous publions, en hebdomadaire, les cinq volets de son enquête passionnante sur la pensée de Théodore Herzl, ici introduite par une présentation d'Elie King. Bonne lecture à tous!.

En symbiose active avec : http://aschkel.over-blog.com/article-35735696.html


Par Elie Kling
http://www.actu.co.il/2009/08/herzl-une-nouvelle-et-indispensable-relecture/ 


La simple évocation de certains noms de personnages de l’histoire juive, aujourd’hui pourtant disparus, provoque encore chez certains d’entre nous des réactions extrêmes, voire carrément hystériques.

Je me souviens par exemple d’un cours que je donnais un jour dans la synagogue d’un hôtel à Eilat. On m’y avait invité pour animer le Seder et la fête de Pessah’. Je ne sais plus dans quel contexte j’ai mentionné le nom du fondateur du sionisme politique, Théodore Herzl. Aussitôt, l’un des participants se leva, rouge de colère, et se dirigea sans mot dire vers l’Arche Sainte pour la recouvrir d’un Talith. A l’assistance qui, tout comme moi, n’avait pas compris ce qui avait provoqué chez lui cette réaction surprenante, il expliqua, contenant difficilement son émotion: « Il est des noms qu’on ne prononce pas dans une synagogue! »… Apres la conférence et jugeant que notre homme avait probablement eu le temps de se calmer, j’allais le trouver pour m’excuser d’avoir pu le choquer et j’en profitais pour lui demander s’il aurait eu la même conduite pour le cas où j’aurais cité Spinoza ou Marx (Karl, pas Groucho).

-         Vous savez bien que ce n’est pas pareil, me répondit-il, excédé à nouveau par ce qu’il pensait être de ma part de l’évidente mauvaise foi!…

Binyamin-Zeev-Théodore Herzl est mort le 3 juillet 1904, à l’âge de 44 ans. Plus d’un siècle après, que savons-nous réellement de celui que les manuels d’histoire en Israël appellent « le visionnaire de l’Etat Juif »? Je suppose que si nous leur posions la question, beaucoup de Juifs, israéliens ou non, répondraient quelque chose du genre: « Herzl fut un juif assimilé, journaliste en poste à Paris, secoué par la dégradation du capitaine Dreyfus, et qui fut amené à chercher une réponse à l’antisémitisme sous la forme d’un refuge territorial quelconque pour le peuple juif, n’importe lequel faisant l’affaire ». Encore que je soupçonne que mon petit juif irascible d’Eilat aurait été plus direct encore (si tant est qu’il eût été en mesure de me répondre malgré son indignation). J’imagine fort bien de sa part une réponse ressemblant plutôt à ceci: « Herzl, juif honteux, n’avait qu’un but: la disparition du peuple juif. Au départ, il aurait souhaité convertir tout le monde au catholicisme mais se rendant compte des difficultés de la tâche, il opta pour une assimilation collective sous la forme d’un mouvement qu’il appela « sionisme » pour mieux masquer son objectif… »

En effet, on m’a fait récemment remarqué que certaines vidéos propageant ce même message et commentées par de respectables rabbins, circulaient en ce moment sur le net. J’ai visionné l’une d’entre elles et le moins que je puisse en dire avec certitude est que leurs auteurs n’ont jamais lu intégralement le moindre ouvrage du journaliste viennois (je n’ose en effet imaginer que l’ayant lu, c’est sciemment qu’ils déforment ainsi la réalité et lui font un tel procès d’intention). Reste à espérer que lesdits rabbins se renseignent davantage sur leur sujet avant de légiférer sur une question de Halakha, par exemple. Quoique pour reprendre une expression du regretté Pierre Desproges : »Si les gens ne parlaient que de ce qu’ils connaissent, est-ce que les communistes parleraient de liberté? »

Tout ceci, chers lecteurs, pour vous dire avec quel bonheur j’accueille la sortie de l’ouvrage de Georges WEISZ, « Théodore Herzl, une nouvelle lecture » paru chez « l’Harmattan ».

Weisz, sans jamais avoir partagé le virulent message véhiculé par les vidéos susmentionnées, avait sur le journaliste viennois, comme la plupart d’entre nous, les idées reçues contenues dans les lignes précédentes. Or, par une belle journée de l’été 1998, allongé sur une chaise longue au bord d’une magnifique piscine d’un Kibboutz de Haute Galilée, notre homme relisait distraitement le (seul) roman de Théodore Herzl, l’Altneuland, dans la traduction française de Paul Giniewski. Il fut alors stupéfait de découvrir à quel point les idées du fondateur du sionisme politique, telles qu’elles apparaissaient dans l’ouvrage, étaient éloignées de celles que l’on était en droit d’attendre de la part de ce Juif profondément assimilé qui constituait l’essentiel de l’image que Weisz en avait alors. De retour chez lui, l’ami Georges se précipita sur les autres ouvrages d’Herzl: le  »Judenstaat », bien sûr, mais aussi et surtout, son  fameux Journal, ainsi que ses autres écrits sionistes. Sa conviction était faite: l’homme qui avait réussi à placer sur la scène de la diplomatie internationale l’émouvante mais jusqu’alors irréalisable idée d’un retour en masse des juifs sur leur terre, n’était pas celui qu’on lui avait décrit jusque là. Certes, « cela n’en fait toujours pas un Hassid de Lijnask », comme aurait dit mon grand père, mais on est quand même très loin de l’image du juif déjudaïsé qui reste la sienne dans la conscience populaire d’Israël. Restait alors à savoir qui, comment, à quel moment et surtout pourquoi, on avait brossé d’Herzl un portrait tant éloigné de la réalité. L’ouvrage de Weisz est donc à la fois une tentative de réhabiliter l’homme, ou plutôt de lui rendre sa véritable image, et un acte d’accusation contre ceux qui se sont complaisamment portés volontaires pour jouer le rôle de son miroir déformant. Les premiers visés sont les historiens et penseurs laïques, sionistes ou non, qui avaient intérêt à créer un leader à leur image. Suivent ensuite tous ceux qui, opposés à ses thèses, furent trop heureux de leur emboîter le pas sans prendre la peine de vérifier les sources et donc l’authenticité du récit qu’ils en faisaient.

A lire le livre de Weisz, on apprend que Shimon Leibl, le grand père de Théodore était h’azan de la petite communauté de Zemlin dont le rabbin était alors le fameux rav Alkalaï, précurseur de l’idée que le temps était venu d’organiser le grand retour des Juifs sur leur terre; que son père, Yakob, fréquentait régulièrement la grande synagogue orthodoxe de Budapest et que Théodore y célébrera sa bar-Mitsva en lisant le maftir et en récitant la haftara « d’une voix forte et assurée ». On s’aperçoit aussi qu’Herzl a suivi des cours d’enseignement religieux dans une école primaire juive (on peut lire sur son bulletin scolaire que: « Théodore obtient de bonnes notes en matières hébraïques et d’excellents résultats en matières religieuses »), qu’il quitta le collège technique pour marquer son indignation devant une réflexion antisémite de l’un de ses professeurs, qu’il claqua violemment la porte de l’association des étudiants de laquelle il faisait partie suite à une soirée d’hommage à Wagner qui dégénéra en manif antisémite ( »se taire, c’est être complice », écrira-t-il dans sa lettre de démission), qu’il insulta un professeur de l’Université de Berlin dans une critique du livre antisémite que celui-ci venait d’écrire sur les Juifs ( »quand un esprit aussi cultivé… peut sortir un tel fatras d’infâmes stupidités, que peut-on espérer de la populace illettrée? ») et qu’il est obsédé par la question juive bien avant l’Affaire Dreyfus! On apprend aussi, malgré l’adoption provisoire au 6eme Congrès de la fameuse proposition ougandaise, à quel point Herzl est viscéralement lié à Erets Israël, qu’il appelle souvent en hébreu: « Erets Avosseinou », la terre de nos ancêtres! On est bien loin du Juif honteux et déjudaïsé que décrivent ses détracteurs ou ses biographes.

Parlons-en  de ses biographes! Chercheraient-ils à vouloir vider le projet herzlien de toute dimension juive qu’ils ne s’y prendraient pas autrement. Jugez plutôt: le mercredi 25 Août 1897, Herzl arrive à Bâle pour veiller aux derniers préparatifs du 1er Congrès Sioniste qui doit s’ouvrir dimanche 29.  Chabbat, il se rend à la synagogue où il est appelé à la Thora. Voici le récit qu’il en fait dans son Journal, une semaine plus tard, dans le train qui le ramène à Vienne: « J’ai demandé à un ami de m’apprendre les « brokhès » (Herzl utilise le terme hébraïque retranscrit avec la prononciation ashkénaze. Herzl qui n’était plus monté à la Torah depuis fort longtemps avait oublié les paroles) et lorsque je suis monté à la Bima, j’étais plus tendu que pendant tout le congrès. Les quelques mots hébraïques de la Brokhé m’ont serré la gorge d’émotion plus encore que le discours d’ouverture et de fermeture du Congrès ou que durant la conduite des débats ». Or voici comment les 3 biographes classiques de Herzl rendent compte de l’événement et de sa charge émotive. Amos Elon parle de l’anxiété, du trac, ressenti par Herzl avant de réciter la difficile formule liturgique. Pawel affirme qu’il s’agit là d’une corvée assez désagréable que s’était imposée Herzl pour se concilier des Juifs religieux: « Il réussit à apprendre par cœur les quelques mots de la prière hébraïque, ce qui, se plaindra-t-il dans son Journal, lui arracha beaucoup plus de sueur que tout un long discours »! Quant à Alex Bein, il décide tout simplement de ne pas mentionner l’événement…

Et pourtant, le lendemain de son émouvante visite à la synagogue, où il a récité les mots hébreux qui proclament l’élection d’Israël par le don de la Torah, Herzl monte sous les applaudissements à la tribune du congrès ou il va prononcer son premier discours. Perfectionniste, soucieux des moindres détails tout au long de l’organisation de cette première réunion des représentants du Peuple Juif depuis la destruction du Temple de Jérusalem, Herzl, on s’en doute, a écrit et réécrit son discours, fignolé chaque phrase, pesé chaque mot. Or, de ce discours historique, voici quelle fut la première phrase: « Nous sommes pour ainsi dire revenus à la Maison. Le Sionisme est le retour à la Judaïté avant même d’être le retour au Pays des Juifs! »

Heureusement que les annales du Congrès existent toujours pour témoigner de la réalité de cette phrase explosive, la première de ce Congrès qui bouleversera l’Histoire Juive: vous l’aurez deviné, les biographes officiels l’ont tout bonnement oubliée…

Merci donc à Georges Weisz de nous l’avoir rappelé.

Arrêtez-moi si je dis des bêtises…






Comme vient de le rappeler à juste titre Elie King, Herzl est généralement connu à travers des raccourcis où le fondateur du sionisme pragmatique ne serait qu'un Juif assimilé doublé d'un opportuniste, oscillant entre l'option ougandaise et les flatteries de Juif de cour auprès des puissants, du sultan Abdülhamid II et de l'empereur Guillaume II à l'antisémite ministre de l'intérieur russe Plehve.

Qui plus est, en ces temps de judéophobie parée de l'alibi antisioniste, Herzl devient l'incarnation du colonisateur cynique, à l'origine d'une invention déracinée, le sionisme.

Pour autant, en 1902 paraissait à Leipzig, deux ans avant qu'il ne décède, un roman intitulé Altneuland, dont le sous-titre faisait office de programme : « Si vous le voulez, ce ne sera pas un rêve. »

Nous vous proposons un parcours dans ce roman, afin de découvrir ou re-découvrir la pensée de Herzl et son humanisme pétri d'attachement au peuple juif.

En 1897, le Premier Congrès Sioniste de Bâle marque la naissance du mouvement sioniste pragmatique. Pour son initiateur, Theodor Herzl, cela semblait improbable, mais cinquante années plus tard, ce n'était plus un projet, c'était une réalité.

En 1902, il publiait 
Altneuland, un roman qui prenait pour thème la restauration du peuple juif sur sa terre. 
Roman utopique, pour les contemporains de l'auteur, roman quasi prophétique, pour nous, alors que nous avons fêté les soixante ans de l'Etat pour les Juifs tant espéré par Herzl.

Je vous propose de partir en cinq étapes à la découverte de ce roman, plutôt méconnu, où l'analyse de la société juive ashkénaze dans l'Empire austro-hongrois s'associe avec un attachement délicat et indéfectible à la terre d'Israel et à la renaissance nationale et culturelle du peuple juif.


SACHA BERGHEIM




Mille Mercis Cher Sacha, pour ce magnifique cadeau de 5 épisodes fait au blog d'Aschkel.
Le Blog de Sacha : http://contrecourant1.wordpress.com/






THEODORE HERZL



File:Altneuland.jpg

ALTNEULAND

de

THEODOR HERZL


C'est une terre qui a marqué chacun des pas loin d'elle, une terre qui marque le passé et qui guide l'avenir de ceux qui désirent la rejoindre. Une terre qui n'était pour beaucoup qu'un souvenir, mais aussi appel et promesse : une invocation.

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le Shana haba'a be Yerushalayim ha Bnouyah

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Une terre toujours présente dans son absence, une terre, une destination. Une terre, un renouveau. Erets Yisra'el.


Le roman Altneuland de Theodor Herzl est généralement moins connu que son essai sur l'Etat pour les Juifs (Der Judenstaat). Pourtant, c'est sans doute dans ce roman que s'exprime avec le plus de sensibilité et de force l'amour du peuple juif pour sa terre.

Une terre, un pays, ancien et nouveau à la fois. Un pays qui n'est pas inconnu, un pays qui est un défi.

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Altneuland

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A l'instar des romans de Schnitzler ou de Roth, c'est dans l'Empire autrichien, plus précisément dans la Vienne impériale que se lève le rideau. Nous sommes en 1902.


Le Dr Friedrich Löwenberg est assis, seul, à une table de marbre, au café Birkenreis qu'il fréquente depuis qu'il est étudiant. Il est perdu dans ses pensées et se souvient de ses amis : Heinrich, qui s'est suicidé, et Oswald, parti au Brésil dans le but d'y fonder un établissement où le prolétariat juif pourrait prospérer, mais il y a contracté la fièvre jaune.


Il pense à sa solitude et à sa situation. Il espère épouser Ernestine Löffler, en vain, car il est ruiné. Un jeune homme l'aborde de façon inopportune, le jeune Schiffmann, qui fait parti également du cercle de connaissance des Löffler. Tous les deux se rendent chez cette famille de la moyenne bourgeoisie juive viennoise sans que Löwenberg ne sache pas qu'il s'agit des fiançailles d'Ernestine avec le fils d'un capitaine d'industrie aisé de Moravie. À peine arrivés, ils sont entourés de cette ambiance festive où les fiançailles peinent à faire oublier ni l'hostilité du monde environnant ni la misère des provinces de l'Est qu'ils ont quittées.


Herzl décrit la situation de ces Juifs, qui à la faveur des Edits de tolérance, ont vu certaines sphères de la société occidentale s'ouvrir timidement à eux, sans qu'ils ne puissent parvenir à une véritable égalité.

Sans cesse dépendant du bon vouloir des administrations pour les protéger, ils hésitent entre la fierté d'être Juif et le mimétisme permettant l'abandon de ce qu'ils vivent comme une marque de ségrégation.


Puis, l'un des invités déclare, au détour d'une conversation concernant les attaques contre les Juifs de Moravie : « Nous allons bientôt devoir porter à nouveau des signes infamants ».

« Il reste aussi la possibilité d'émigrer », déclare un rabbin présent dans l'assemblée.

« Émigrer où? », lui demande-t-on de manière sceptique.

« Depuis quelques années, il y a un mouvement qui s'appelle le mouvement sioniste. Il envisage de trouver une solution à la question de la place des Juifs en organisant une émigration massive, vers notre vieille patrie, vers la Palestine. », ajoute-t-il, laissant les invités pensifs.


La patrie, la terre des Juifs, une idée toujours présente à l'esprit, enfouie dans la mémoire, au profit d'une précaire acceptation dans la société chrétienne. Ce projet n'était-il pas risqué ? Vers un pays lointain ? Retrouverait-on la même vie qu'à Vienne ? Chacun des convives se mit à rire en pensant qu'ils postuleraient tous pour de devenir ambassadeur du nouvel Etat juif en Autriche.


À peine sorti, Löwenberg reprit le chemin du café Birkenreis, lieu de sociabilité viennois par excellence. Et il se souvient d'une curieuse annonce que lui avait montré Schiffmann un peu plus tôt : un certain N.O. Body recherchait quelqu'un qui n'avait plus d'attaches et qui souhaitait vivre une dernièr expérience. Il se décide à le contacter.


Devant le café, il retrouve le jeune garçon qui mendiait dans le froid, accompagné de son père. Löwenberg les aborde et prend le parti de venir avec eux. Il découvre alors la misère de cette famille venue de Galicie pour trouver du travail. La maman malade, le père, un homme bon et pieux, et le fils, courageux et fervent sioniste.


La première partie du roman de Herzl sait avec brio faire naître une curiosité pour chacun de ces personnages, chacun de ses héros à leur façon. Individualisé avec précision, chaque personnage est aussi représentatif de la situation du judaïsme germanique, à la croisée du modèle assimilationniste et des ferments du renouveau culturel et national présent parmi les communautés de l'Est, de la Galicie à la Russie.


En filigrane se dessine deux moments de l'antisémitisme européen.

On y trouve ces élites de la moyenne bourgeoisie qui ont pu quitter leshtetl à mesure que les administrations levaient péniblement et avec restriction les barrages menant à la liberté. Élites qui penseront qu'en taisant leur judéité ils parviendraient à devenir des citoyens à part entière, et qui vivront le drame de la haine nazie et l'effroi face à l'anéantissement qu'ils espéraient pouvoir éviter.

On y trouve aussi ce « prolétariat », comme on disait à l'époque, cette majorité de la population juive subissant l'arbitraire et la pauvreté, accusée des calmonies les plus insensées. Parlant plutôt yiddish mais maîtrisant les prières hébraïques traditionnelles, ce sont eux qui sont animés du sionisme le plus fervent, en tant qu'il les rattache à leur histoire et représente un espoir d'où il pourrait agir et construire leur avenir.


C'est par l'intermédiaire du personnage du Dr Löwenberg que Herzl parvient à nous faire découvrir ces deux mondes et à rendre la figure du jeune David particulièrement attachante. À partir de ce parcours individuel, Herzl fait de Löwenberg un regard intime et distant à la fois de ce « monde d'hier », comme le décrivait un autre écrivain juif viennois, Stefan Zweig, où toute l'Europe ahkénaze se trouve réunie.

C'est dans cette Vienne qui élira un maire sur un programme antisémite que se concentre la Bukovinie, les Balkans, la Hongrie et la Galicie jusqu'à la Pologne, ce monde vulnérable et prometteur qui trouve dans l'aspiration sioniste une véritable ouverture des portes des ghettos.


À suivre Dimanche prochain le 2ème épisode 

Par SACHA - Publié dans : SACHA BERGHEIM
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A tous nos chers lecteurs.

 

Ne vous est-il jamais venu à l'esprit d'en savoir un peu plus sur le titre de ce blog ?

Puisque nous nous sommes aujourd'hui habillés de bleu, il conviendrait de rentrer plus a fond dans l'explication du mot lessakel.

En fait Lessakel n'est que la façon française de dire le mot léhasskil.

L'hébreu est une langue qui fonctionne en déclinant des racines.

Racines, bilitères, trilitères et quadrilitères.

La majorité d'entre elle sont trilitères.

Aussi Si Gad a souhaité appeler son site Lessakel, c'est parce qu'il souhaitait rendre hommage à l'intelligence.

Celle qui nous est demandée chaque jour.

La racine de l'intelligence est sé'hel שכל qui signifie l'intelligence pure.

De cette racine découlent plusieurs mots

Sé'hel > intelligence, esprit, raison, bon sens, prudence, mais aussi croiser

Léhasskil > Etre intelligent, cultivé, déjouer les pièges

Sé'hli > intelligent, mental, spirituel

Léhistakel > agir prudemment, être retenu et raisonnable, chercher à comprendre

Si'hloute > appréhension et compréhension

Haskala >  Instruction, culture, éducation

Lessa'hlen > rationaliser, intellectualiser

Heschkel > moralité

Si'htanout > rationalisme

Si'hloul > Amélioration, perfectionnement

 

Gageons que ce site puisse nous apporter quelques lumières.

Aschkel pour Lessakel.

 

 

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