Nietzsche avait prévenu : "Celui qui combat trop longtemps les dragons devient dragon lui-même". C'est ce qui est arrivé à Ben Ali. Sous prétexte de lutter contre un totalitarisme, il en a consolidé un autre. Dans sa troisième grande conférence de presse, tenue en fin de cette matinée, Nicolas Sarkozy a d'ailleurs esquissé un début de doctrine face à l'islamisme et à son bras armé qu'est le terrorisme. Parlant de la Tunisie, il a dit : "Le risque de l'intégrisme islamiste existe mais il ne peut justifier des comportements de corruption ni des refus d'ouverture démocratique. Il faut trouver un équilibre qui n'est pas si simple". Il ne s'agit pas, en tout cas, d'être naïf : les islamistes savent parfaitement tirer profit des règles des démocraties et des droits de l'homme pour subvertir ces espaces fragiles. Les laisser faire?
L'équilibre est à formuler pour un Etat de droit qui ne peut se désavouer ni se laisser instrumentaliser. Cette question mériterait un grand débat. Mais il me parait difficile pour une démocratie, confrontée à un tel danger pour ses libertés, de ne pas être obligée à un moment de transgresser ses propres valeurs, au titre de la légitime défense. L'angélisme reste la pire des attitudes. Et je me réjouis, de ce point de vue, d'avoir entendu le Chef de l'Etat répéter que, face au terrorisme dont elle est la cible, la France ne composera pas. "Chaque fois que les démocraties se sont aplaties, elles l'ont payé très cher", a-t-il notamment déclaré, en rappelant qu'il n'avait pas non plus "l'intention de discuter ou de répondre" à Oussama Ben Laden. L'esprit munichois, ce préalable aux capitulations, est une mortelle faiblesse. Mais sommes-nous encore capables de nous battre pour des idées?