Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
3 février 2012 5 03 /02 /février /2012 17:12

 

editorialaGad-copie-1

 

 

 

Turquie/Qatar et Israël premiers bénéficiaires du conflit syrien ?

 

Il signe la fin du bras de fer américano-russe et l’heure du règlement de compte sunno-chi’ite.

 

Par Marc Brzustowski

 

1520457 3 bede l-armee-syrienne-quitte-la-ville-de-deraa-da

armée syrienne quittant Deraa : une armée qui occupe son propre pays : combien de temps est-ce viable?

 


Les puissances mondiales s’affrontent autour de la Table du Conseil de Sécurité de l’ONU en se neutralisant mutuellement, à travers les résolutions  successives, qui ne permettent pas de mettre un terme au massacre en Syrie.

 

La question d’une frappe des installations nucléaires iraniennes occupe la scène médiatique, par les indiscrétions volontaires du Secrétaire américain à la Défense, Léon Panetta : il l’évoque à moins de trois mois, de la part des Israéliens. Mais on cherche, fondamentalement à savoir qui « dominera le Moyen-Orient », à travers le découpage des rapports de force qui fera suite à ces deux crises foncièrement imbriquées.

 

Américains, depuis leur retrait d’Irak, et Russes, dans leur soutien désespéré à Assad, à quelques semaines de la Présidentielle que se réserve Poutine, semblent, tous deux, dans un jeu perdant-perdant. Ils peuvent encore jouer les gendarmes régionaux, en sortant leur panoplie de porte-avions, leurs impulsions diplomatiques et leurs vetos. Mais il apparaît, de plus en plus, évident que ce sont les acteurs moyen-orientaux qui définissent les règles de leur propre jeu, quelle que soit la part du gâteau énergétique et idéologique à se partager à l’issue des conflits en cours. C’est particulièrement clair, dans la partie qui se joue en Syrie. Elle est le fruit "involontaire", en tout cas empoisonné, imprévu de la fin officielle de la guerre d’Irak… et le début d’une redistribution confessionnelle des pouvoirs et territoires. En abandonnant les choses en l’état, certes les Américains, semeurs de stabilité toute provisioire, n’ont pas amélioré leur popularité au Moyen-Orient. Mais, le dernier allié valide de la Russie, Damas, loin d’être un des bénéficiaires de ce retrait, en paie directement les frais. Puisque c’est l’Iran qui renforce sa mainmise sur Bagdad, dominée par les Chi’ites autour de Nouri al-Maliki, les Sunnites ne pouvaient, longtemps, l’entendre de cette oreille.

 

Une coalition semble se dessiner dans les contreforts de l’Irak et de cette Syrie ensanglantée, entre la Turquie, l’Arabie Saoudite et les pays du Golfe, représentés par l’hyper-activisme diplomatique du Qatar. Aucun de ces pouvoirs n’est prêt à se satisfaire des occurrences de l’ancienne « Pax Americana », à l’heure de son passage au musée des vestiges du XXè siècle. Ce sont eux qui soutiennent, de près ou de loin, l'Armée Syrienne Libre, devenue l'empêcheur de réprimer en rond pour le régime Assad, le Hezbollah et l'Iran. Assad le-dernier-fou-de Moscou n'a plus qu'une solution : la boucherie. Un jour où l'autre, elle devra fermer. En tout cas, il ne connaîtra plus jamais la paix de l'âme et du règne.

 

Téhéran a mis la pression sur Al-Maliki pour que l’Irak devienne son autoroute pour la propagation de la « Révolution islamique » (alias révolution pan-chi’ite). Par contrecoup, Sunnites et Kurdes d’Irak comprennent que leur avenir ne se fera pas à travers une union irakienne respectueuse de la répartition démographique des pouvoirs, mais en opposition à ce courant qui, sans eux, se trouve minoritaire en Irak. De fait, le verrou syrien, puisqu’entre les mains de la minorité alaouite pro-chi’ite, était appelé, à un moment ou un autre, à sauter : non parce que les Américains s’en chargeraient, mais parce que la majorité de la population syrienne, sunnite à 74%, ne supporterait plus cette tutelle pro-iranienne, dans la prolongation de l’état de guerre contre Israël. En effet, il ne s’agit pas tant de savoir si le peuple syrien reste hostile à l’Etat juif, que le fait que cette hostilité soit devenue le prétexte à l’expansion domestique d’une hégémonie idéologique chi’ite, au Liban, en Syrie, en Irak, qui a pris le pas sur le constat de la défaite des pays arabes face à « l’entité sioniste ».

 

Dans cette configuration, Bachar-al-Assad incarne le dernier état « arabe » (post-soviétique) en lutte ouverte contre Israël. Mais, pour pouvoir continuer de mener ce combat unilatéral, la Syrie n’a pu que s’allier avec Téhéran et ses supplétifs du Hezbollah libanais, au point de tomber dans leur escarcelle, tout en exerçant sa mainmise sur la cause palestinienne, à travers ses réseaux terroristes. De fait, la victoire de l’Islam contre le Sionisme passerait, depuis lors, par la soumission des masses sunnites à l’agenda de ces « hérétiques » chi’ites, qui combattent jusqu’au suicide pour le retour de leur 13è Imam. En devenant le leader de la lutte apocalyptique contre le « Diable, ou l’Intrus Juif », y compris à travers sa menace nucléaire, l’Iran a construit les conditions de sa domination sur l’autre branche majoritaire de l’Islam et lui impose son sens de l’histoire conforme à son propre agenda.

 

Combattants sunnites de l'ASL rebelle.

 


Si on veut comprendre le conflit, essentiellement confessionnel qui se joue en Syrie, il faut, au-delà de la lutte contre la répression des Assad, avoir aussi en tête cette lutte pour l’affirmation de la « vraie doctrine » entre les deux versions de l’Islam. Sur le plan des anciens empires en présence, la Turquie, pas plus que les régimes traditionnels du Golfe ne veulent se laisser imposer le sens de l’histoire par l’empire perse résurgent. Finalement, nous proposons une lecture à l’envers de la « théorie des dominos », où le retrait américain provoque un vide et où, si les Iraniens comptent sur cet effacement pour générer leur grand axe, de Téhéran jusqu’à Beyrouth, en passant par Bagdad et Damas, le contrepoids sunnite, appuyé par Ankara et les monarchies, se sent être la dupe de ce deal pour la dominance au Moyen-Orient. De même, en apparaissant en phase d’affaiblissement et de recul, l’Amérique, longtemps surreprésentée militairement, redistributrice des cartes ("Oslo") entraîne dans son déclin, le Kremlin, qui apparaît comme le « roi nu », dernier soutien de la dictature, sans doute, la plus méprisée et sanguinaire de cette partie du monde. Fini le temps des « luttes de libération contre l’impérialisme » : la Russie post-soviétique n’est rien moins qu’un empire survivant qui tient à faire régner l’ordre dans son arrière-cour et préserver ses débouchés en Méditerranée et Asie Centrale.

 

Ceci ne fait pas l’affaire de la Turquie d’Erdogan, qui caresse son propre rêve hégémonique néo-ottoman. Si l’Iran est dominant à Bagdad, les réseaux turcs sont historiquement majoritaires à Alep, par leurs filiales commerciales et les alliances entre clans à majorité sunnite. La perspective d’une solution pro-turque en Syrie menace autant la Russie et son potentiel d’accostage maritime à Tartous, ou ses anciens dominions d'Asie Centrale, que l’Iran et son besoin d’étendre le bras contre Israël jusqu’au Sud-Liban et à Gaza, via Hezbollah, Hamas et Jihad Islamique. Si cette continuité des couloirs terroristes n’était plus assurée ou aux enchères, Israël, même si honni par « la rue arabe », bénéficierait indirectement de cette redistribution en cours de la maîtrise des acteurs du terrorisme. Les armes, les missiles continuent d’affluer, plus que jamais, à l’aune des « printemps arabes », mais les centres de pouvoir et de décision sont, provisoirement plus éclatés et partagés qu'ils ne l'ont jamais été. L'instabilité, la violence restent plus prégnantes dans les pays limitrophes de l'Iran que directement menaçante pour Jérusalem. 

 

L’Egypte est, certes, devenue une bombe à retardement, avec la libéralisation anarchique des trafics dans le Sinaï, dans une nouvelle continuité toute aussi dangereuse, qui va de Tripoli jusqu’à Rafah, en passant par El Arish. Mais le problème majeur qu’affronte Le Caire correspond à la dilution de ses formes de gouvernance, à mesure d’un état postrévolutionnaire incapable de s’imposer une transition politique viable. Il en va de même de la Libye, dont le régime tient du règlement de compte intertribal et de la domination sectorielle de telle ou telle milice, avec un risque majeur de débordement sur les pays proches. Ainsi, les anciens gardes Touaregs de Khadafi déferlent actuellement sur certaines zones du Mali, au point de menacer le pouvoir central à Bamako. L'onde de choc se diffuse jusqu'au Nigéria et menace toute la région sahélienne. Comparativement, la révolution fondamentaliste iranienne de 1979, à travers son caractère hautement répressif, apparaît rapidement reconcentrer les pouvoirs entre les mains d’une élite homogène et structurée : les Mollahs de Qom, dont la doctrine est relativement claire, à travers le Velayat e-Faqih. Rien de tel, à cette heure, à Tripoli, au Caire ou à Tunis, même si les Frères Musulmans déchaînés veulent apparaître comme le nouveau mouvement politique incontournable, imposant partout l'ordre de la Chari'a.

 

Par manque de capacité à susciter l’adhésion populaire, la conquête du leadership dans la « cause palestinienne », sorte de placebo ou de prothèse régionale à l’absence  de projet politique, redevient progressivement le leitmotiv primordial. Pouvoirs sunnites et chi’ites se contestent la mainmise sur ce « trésor de guerre » et le Hamas, futur dirigeant à Ramallah, du fait du reflux américain et de l’effondrement du « processus de paix » devient l’enjeu de toutes les convoitises, autant qu'il est devenu SDF. Essentiellement lié aux Frères Musulmans égyptiens, ceux-ci comptent sur lui pour maintenir l’entente entre les deux principales composantes de l’Islam, sur le plus petit dénominateur commun : la lutte contre Israël. S'ils peuvent emporter 75% des suffrages au Caire, faute d'alternative et grâce à la fraude électorale, ils ne représentent guère que 15% à Damas et devront faire alliance, composer... Cette alliance artificielle est menacée, tant par la montée des revendications populaires, largement étrangères à cette cause fédératrice, que par la lutte entre les empires : turc, qui courtise et finance le Hamas, perse, qui ne renonce pas à son arc chi’ite jusqu’à travers le Jihad Islamique à Gaza, ou saoudo-jordanien, qui veulent surtout que les choses se maintiennent comme elles ont toujours été jusqu’à présent, et contenir le danger perse.

 

La Chine, quant à elle, joue le même air sur tous les tableaux, multipliant les appels du pied, tant vis-à-vis du Qatar et de l’Arabie Saoudite, de l’Iran où elle puise une part importante des énergies dont elle est grande consommatrice, ou d’Israël avec lequel les affaires sont florissantes… Elle profite, essentiellement sur le plan commercial, du recul des Américains et des Russes, mais reste loin de s’y substituer sur le plan des alliances militaires. Le pactole pétrolier et gazier à l'Est de la Méditerranée, redistribuera les enjeux entre Israël, ses alliés sud-européens (Grèce, Chypre) et la Turquie, à quelques années d'ici, faisant des grandes puissances des Etats-clients...

 

L’Iran, cependant, ferait bien de se méfier du retour de flammes de son « exportation de la révolution », même s’il peut passer des accords provisoires avec les Frères Musulmans. Le réveil des acteurs sunnites, kurdes, en Syrie, en Irak et d’autres ailleurs, au Liban, notamment, risque de l’entraîner dans une guerre interconfessionnelle jusqu’aux limites et, peut-être un jour prochain, à l’intérieur de ses propres frontières… Sans compter sur la détermination d’Israël, avec ou sans les Etats-Unis, à ne pas lui permettre l’accès à la bombe atomique, comme bouée de sauvetage pour un régime usé jusqu’à la corde qu’il tisse pour pendre ses ennemis intérieurs… La crise devrait, alors s'étendre au Caucase, où la Russie compte sur l'Arménie et son nouveau petit frère d'Abkhazie, pour contenir des autorisation de survol de l'Azerbaïdjan et de la Géorgie. La Russie renforce déjà ses troupes aux frontières. Ce pourrait être la dernière grande conflagration des blocs...

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le blog de Gad
  • : Lessakele : déjouer les pièges de l'actualité Lessakele, verbe hébraïque qui signifie "déjouer" est un blog de commentaire libre d'une actualité disparate, visant à taquiner l'indépendance et l'esprit critique du lecteur et à lui prêter quelques clés de décrytage personnalisées.
  • Contact

Traducteur

English German Spanish Portuguese Italian Dutch
Russian Polish Hebrew Czech Greek Hindi

Recherche

Magie de la langue hébraïque


A tous nos chers lecteurs.

 

Ne vous est-il jamais venu à l'esprit d'en savoir un peu plus sur le titre de ce blog ?

Puisque nous nous sommes aujourd'hui habillés de bleu, il conviendrait de rentrer plus a fond dans l'explication du mot lessakel.

En fait Lessakel n'est que la façon française de dire le mot léhasskil.

L'hébreu est une langue qui fonctionne en déclinant des racines.

Racines, bilitères, trilitères et quadrilitères.

La majorité d'entre elle sont trilitères.

Aussi Si Gad a souhaité appeler son site Lessakel, c'est parce qu'il souhaitait rendre hommage à l'intelligence.

Celle qui nous est demandée chaque jour.

La racine de l'intelligence est sé'hel שכל qui signifie l'intelligence pure.

De cette racine découlent plusieurs mots

Sé'hel > intelligence, esprit, raison, bon sens, prudence, mais aussi croiser

Léhasskil > Etre intelligent, cultivé, déjouer les pièges

Sé'hli > intelligent, mental, spirituel

Léhistakel > agir prudemment, être retenu et raisonnable, chercher à comprendre

Si'hloute > appréhension et compréhension

Haskala >  Instruction, culture, éducation

Lessa'hlen > rationaliser, intellectualiser

Heschkel > moralité

Si'htanout > rationalisme

Si'hloul > Amélioration, perfectionnement

 

Gageons que ce site puisse nous apporter quelques lumières.

Aschkel pour Lessakel.

 

 

Les news de blogs amis