De retour du Caire mardi, le Premier Ministre Benyamin Netanyahou a déclaré : « il est temps de faire avancer le processus de paix ».
L’interprétation la plus bienveillante de la déclaration de Netanyahou est qu’il s’engageait sur le théâtre politique. C’était une déclaration médiocre et malhonnête émise à la fin de ce qui avait été, selon les mots immortels de W.H. Auden « une décennie médiocre et malhonnête ».
Tout un chacun, avec des yeux pour voir, sait qu’il n’y a aucune chance de faire la paix avec les Palestiniens. Tout d’abord, le maximum de ce qu’Israël veut offrir est en dessous de ce que les palestiniens sont disposés à accepter.
Mais au-delà de cela, Gaza est contrôlé par le Hamas, et le Hamas est contrôlé par l’Iran.
Pour sa part, le Fatah n’est pas en position de faire la paix même si ses dirigeants le souhaitaient. Mahmoud Abbas et ses adjoints savent que comme le Hamas a gagné les élections de 2006 en Judée, Samarie et à Gaza, le Hamas gagnerait les élections aujourd’hui. Pour maintenir un semblant de légitimité intérieure, les chefs du Fatah n’ont pas d’autre choix que d’adhérer au rejet par le Hamas d’une coexistence pacifique avec l’Etat juif.
Clairement, il n’est pas temps aujourd’hui « de faire avancer le processus de paix ».
Pas moins que ce que cela nous dit sur Netanyahou, sa déclaration est remarquable pour ce qu’elle nous dit sur Israël. Notre volonté continue de nous prendre au piège de la rhétorique des processus de paix démontre combien nous avons peu progressé dans la décennie passée.
En 1999, Netanyahou a été chassé de son poste par un électorat convaincu qu’il gaspillait une opportunité historique de paix entre Israël et ses voisins. Une majorité d’Israéliens croyait que la signature politique de Netanyahou exigeant que les Palestiniens se plient à leurs engagements à l’égard d’Israël, et le maintien d’une zone de sécurité de Tsahal au Sud Liban, condamnaient tout espoir de paix.
Son successeur, Ehud Barak, promit de retirer les soldats de Tsahal du Liban et de forger une paix définitive avec les Palestiniens et la Syrie dans un délai d’un an. Après avoir gagné les élections, Barak promit, on s’en souvient, devant une foule en pâmoison sur la place Rabin, que « l’aube d’un jour nouveau était arrivée ».
Barak ne perdit pas de temps à accomplir les promesses de sa campagne. Il retira Tsahal du Sud Liban en mai 2000.
Il lança des pourparlers avec la Syrie en décembre 1999. Pendant quatre mois, il supplia le dictateur syrien Hafez Assad d’accepter les Hauteurs du Golan, s’arrêtant seulement après que Assad l’ait durement rabroué en mars 2000.
Et en juillet 2000 à Camp David, Barak offrit à Yasser Arafat Gaza, 90 % de la Judée et de la Samarie et la moitié de Jérusalem en échange de la paix. Après qu’Arafat ait rejeté son offre, Barak l’adoucit à Taba en septembre 2000, ajoutant encore 5 % de la Judée et de la Samarie, le Mont du Temple, et des terres supplémentaires dans le Negev, pour être encore rejeté.
Barak fit ces offres alors que la sagesse de la compromission explosait devant ses yeux. Le Hezbollah s’empara du retrait du Liban comme d’une victoire stratégique. Loin de disparaître comme Barak et son adjoint Yossi Beilin avaient promis qu’il le ferait, le Hezbollah s’empara du Sud Liban et utilisa cette zone comme tremplin pour sa prise de pouvoir final du gouvernement libanais. De même aussi, avec ses forces positionnées sur la frontière, le Hezbollah bâtit ses forces commandées par l’Iran, préparant le prochain round de la guerre.
De même, les supplications désespérées de Barak envers Assad améliorèrent la position du dictateur dans le monde arabe, au détriment de l’Egypte et de la Jordanie.
Dans la mesure où il voulait un encouragement, l’ascendant du Hezbollah, de la Syrie et de l’Iran, rendirent le rejet de la paix politiquement avantageux pour Arafat. Revigoré par leur augmentation, Arafat dissipa des milliards de dollars d’aide occidentale destinée à des projets de développement, dans les rangs boursouflés de ses armées terroristes. Au lieu de préparer son peuple à la paix, il le formait à la guerre.
Arafat répondit à la supplication de Barak à Camp David et Taba en lançant la plus grande offensive terroriste qu’Israël ait endurée depuis les années 1950. La célébration orgiaque du meurtre de masse d’Israéliens fut le dernier clou dans le poste de Premier Ministre de Barak, le glas de sa politique de compromission.
Un an et demi après qu’il eût occupé son poste, le public expulsa Barak du pouvoir. Le chef du Likoud Ariel Sharon – qui seulement une décennie plus tôt avait été tenu pour mort – fut ramené au pouvoir par une victoire électorale historique. Dans la mesure où le vote du public avait été pour Sharon, plutôt que contre Barak, on s’attendait à ce que Sharon mette fin à la politique de compromission de Barak pour vaincre Arafat et l’Etat terroriste qu’il avait construit à Gaza, en Judée et en Samarie.
Mais cela ne devait pas se produire.
Plutôt que d’abandonner la politique de Barak, Sharon y adhéra. Il forma un gouvernement d’unité avec le Parti Travailliste et refusa de combattre. Il ne combattit pas après que 22 adolescents furent massacrés à l’entrée du club Delphinarium en juin 2001. Il ne combattit pas après les attaques du 11 septembre 2001 et les célébrations palestiniennes de l’agression contre New York et Washington.
Sharon n’ordonna pas à Tsahal de se battre jusqu’au carnage de mars 2002 qui culmina avec le massacre du Seder au Park Hôtel de Netanya, qui lui força la main. S’il n’avait pas ordonné à Tsahal de démanteler les infrastructures terroristes palestiniennes en Judée et Samarie à ce moment là, il aurait été confronté avec certitude à la perspective d’être rejeté de la course à la direction du Likoud programmée en novembre de cette année.
L’opération « Bouclier Défensif » fut un modèle exemplaire de ce que vous obtenez quand vous mêlez des politiciens faibles et une société forte. D’un côté, pendant ‘Bouclier Défensif’, Tsahal prit le contrôle de l’ensemble des principales villes de Judée et Samarie et rendit ainsi Israël capable de démanteler les réseaux de terrorisme palestiniens en restant sur place pendant les années suivantes.
D’un autre côté, Sharon refusa d’autoriser Tsahal à lancer une opération parallèle à Gaza, malgré les supplications réitérées de l’armée et des résidents du Sud. Plus important, Sharon empêcha Tsahal de renverser l’AP ou même de reconnaître que c’était un gouvernement ennemi. Et il maintint que le jihad palestinien avait commencé et pris fin avec Arafat, donnant ainsi l’absolution de toute responsabilité à tous les adjoints d’Arafat – qui étaient alors et demeurent aujourd’hui encore profondément impliqués dans la machinerie terroriste.
Agissant ainsi, Sharon manifesta qu’il n’abandonnait pas la compromission. De fait, il faisait savoir clairement que son objectif était d’adopter de nouveau la compromission comme stratégie nationale aussi vite que ce serait politiquement faisable.
La majorité des Israéliens expliquèrent plus tard le comportement de Sharon pendant son premier mandat comme le prix qu’il était obligé de payer pour son gouvernement de coalition avec le Parti Travailliste. Aussi quand en 2003, Sharon, le Parti Likoud et la Droite politique gagnèrent haut la main de la part du public un mandat pour diriger le pays sans la Gauche, on s’attendait à ce qu’il la laisse finalement filer. Qu’il se battrait enfin pour la victoire.
Au lieu de cela, Sharon cracha sur son Parti, les partenaires de sa coalition et ses électeurs, et il adopta comme sienne la politique de la Gauche qu’il avait condamnée pendant sa campagne.
Pour exécuter cette politique, Sharon démantela son gouvernement et son Parti et forma une coalition avec la même Gauche que la nation venait de rejeter massivement.
Les stratégies politiques majeures de la décennie passée : le retrait de Gaza, la construction de la barrière de sécurité, l’acceptation du plan de paix selon la ‘Feuille de Route’, la Conférence d’Annapolis, l’opération ‘Bouclier Défensif’, la Seconde Guerre du Liban et l’opération ‘Plomb Durci’ ont toutes partagé un critère central. Elles étaient toutes fondées sur l’ignorance des leçons de l’échec de la politique de compromission en 2000.
Alors que le succès stratégique de ‘Bouclier Défensif’ était dû à la décision d’Israël de maintenir le contrôle sur le territoire dont Tsahal s’était emparé au combat, en lançant les guerres avec le Hezbollah et le Hamas, le successeur de Sharon, Ehud Olmert, ignora ce succès et choisit à la place d’imiter les échecs de l’opération.
Pour faire avancer la politique de compromission de son gouvernement, Olmert refusa de donner l’ordre à Tsahal de s’emparer du Sud Liban ou de Gaza. Dans le même ordre d’idée, comme Sharon avec le ‘Bouclier Défensif’, Olmert annonça dès le début qu’il ne portait pas d’intérêt à vaincre les ennemis d’Israël. Il limita les buts des campagnes à leur « donner un leçon ». Et évidemment sans rechercher la victoire pour Israël. Olmert permit aussi bien au Hezbollah et au Hamas de proclamer la victoire en leur nom.
En choisissant de ne pas vaincre le Hezbollah ou le Hamas, Olmert envoya le message que comme Sharon avant lui, son objectif stratégique ultime était de maintenir la viabilité de la politique de compromission comme stratégie nationale. Il se battait pour protéger la compromission, pas Israël.
Alors que nous avançons vers la seconde décennie de ce siècle, nous devons comprendre comment fut gaspillée la précédente décennie. Comment est-il possible qu’en 2010, Israël continue d’adhérer à une stratégie politique qui l’a conduit à l’échec – violemment et de façon continue depuis tant d’années ? Pourquoi, en 2010, continuons-nous d’ignorer les leçons de 2000 et tout ce que nous avons appris depuis lors ?
Il existe deux raisons principales à cet échec : les media locaux et Sharon. Pendant les années 1990, les media israéliens – presse, radio et télévision – étaient les principaux propagandistes de la compromission. Quand la politique de compromis échoua en 2000, les élites des media israéliens ‘mirent les chariots en cercle’. Ils refusèrent d’admettre qu’ils s’étaient trompés.
Des expressions trompeuses comme « le cycle de la violence » furent introduites dans notre nouveau langage. L’absence d’une barrière de sécurité – plutôt que la présence d’une société ennemie à la périphérie des centres de population d’Israël – était rendue responsable du terrorisme qui ôta la vie de plus d’un millier d’Israéliens. Des propagandistes et des terroristes palestiniens comme le chef du Fatah Marwan Barghouti étaient traités comme des politiciens légitimes. Des liens palestiniens avec l’Iran, la Syrie, l’Irak et le noyau du jihad mondial restaient dissimulés ou non commentés.
Dans le même, temps, les opposants à la compromission – ceux qui avaient prévenu des dangers du processus d’Oslo et s’étaient élevés contre le retrait du Liban et un retrait potentiel des Hauteurs du Golan et de Gaza – ne furent pas félicités pour leur sagesse. Ils restaient marginalisés et diabolisés.
Cette situation prévaut encore aujourd’hui. Les mêmes media qui nous ont valu ces catastrophes ridiculisent maintenant les ministres du Likoud et les membres de la Knesset qui s’élèvent contre la politique fondée sur l’illusion, en adoptant soudain Netanyahou qui – avec Barak de son côté – a tardivement adopté leurs chimères de paix fondée sur la compromission.
Puis il y a Sharon. L’homme qui mit en place la politique d’implantations, qui expulsa l’OLP du Liban, qui s’opposa à Oslo, Camp David et au retrait du Liban ; l’homme qui s’opposa à la barrière de sécurité et promit de rester pour toujours dans le Goush Katif. En tant que dirigeant pendant la plus grande part de la dernière décennie, Sharon est responsable plus que tout autre de l’adhésion continue d’Israël aux diktats malhonnêtes, discrédités et déshonorants de la compromission.
Que cela soit dû à sa corruption présumée, à son affaiblissement physique, à sa peur du Département d’Etat américain, ou bien à son désir ardent et de longue date d’être reconnu par la Gauche, Sharon a trahi ses électeurs et son Parti et il a sapé la capacité d’Israël d’aller au-delà de l’échec.
L’expression « médiocre et malhonnête » d’Auden's remonte aux années 1930. C’était alors l’obsession de l’Occident e la compromission qui plaça le monde sur la voie du cataclysme de la Seconde Guerre Mondiale.
Alors qu’Israël entame cette nouvelle décennie, nous devons redoubler d’efforts pour empêcher une répétition du cataclysme des années 1940. De façon troublante, l’appel de Netanyahou à un processus de paix trompeur montre que nous sommes à un point de départ ignoble et mensonger.