Avigdor Lieberman siffle l’Internationale aux oreilles de Kouchner et Moratinos
Par Marc Brzustowski
Pour © 2010 lessakele et © 2010 aschkel.info
C’était un de ces jours fastes, hier, dans l’agenda du Ministre des Affaires étrangères israélien, le toujours pris pour plus sulfureux et méchant qu’il ne l’est, Avigdor Lieberman : dans la même journée, il recevait les deux émissaires très spéciaux de l’Europe : Angel Moratinos et Bernard Kouchner. Ce dernier était en baroud d’honneur -de leçons à Israël-, sur fond de partis-pris pro-palestinien dans tout ce qui touche aux questions de processus de paix au Moyen-Orient : voilà donc l’ultimatum qu’il venait délivrer : comme dans le cas du Kosovo, la France s’apprêtait à reconnaître l’Etat palestinien au Conseil de Sécurité de l’ONU (« dans les frontières de 67, ayant Jérusalem-Est pour capitale »), à moins que les constructions de Judée-Samarie ne soient transférées chez les Inuit. La menace est claire : Israël ne peut plus miser avec certitude sur le veto américain. Et la France emboîterait alors le pas de l’oie ou la danse des canards d’un Obama sur le fil du rasoir à la mi-mandat…
Un peu plus tôt dans la matinée, le Cabinet israélien avait approuvé, par 22 voix contre 8, le projet d’amendement de la Loi concernant l’allégeance envers l’Etat juif et démocratique d’Israël de la part des citoyens non-juifs. De quoi faire grincer les dents des Parlementaires arabes habitués des cocktails de Nasrallah et Assad, ou vedettes des flottilles turques. Il est vrai que, comparativement, la Syrie observe toujours des règles strictes « d’Etat d’urgence » qui permettent d’enfermer et de torturer sans procès, durant des années tout opposant présumé. Et que le Liban va, cette semaine même, officialiser son statut de République bananière sous tutelle de sa maison-mère, Téhéran, en recevant en grande pompe son lider maximo, Mahmoud Ahmadinedjad. Pas, là, de quoi troubler le sérénissime Ministre-french doctor, porteur de sa vision oblique des droits de l’homme et des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Le patron d’Israël Beitenou, à l’origine de l’amendement ouvrait, d’abord, la session du Cabinet en affirmant qu’il ne s’agissait pas du « dernier mot en matière de loyauté et de citoyenneté, mais bien d’une étape importante ». Les Ministres travaillistes votaient contre, ainsi que Benny Begin et Dan Meridor, pour le Likoud. Au dernier moment, Ehud Barak retirait son soutien inconditionnel à ce projet, en prétextant un besoin d’ajustement formel, qu’il stipulait : « dans l’esprit de la Déclaration d’Indépendance ». Sur le fond, il n’a pourtant jamais s’agi d’autre chose que d’appuyer en la rappelant, la résolution 181 de l’ONU, déclarant l’existence de deux états dont au moins un, Juif et démocratique.
Quelques heures auparavant, un sondage de la radio Reshet Bet faisait la démonstration du renforcement de la droite de coalition : le Likoud et Israël Beitenou étaient crédités de 6 sièges supplémentaires chacun, en cas de vote : respectivement 33 et 21 sièges. Kadima en perdait 2, à 26 sièges, alors qu’Avoda (travaillistes) perd virtuellement 4 représentants et poursuit sa descente vers l’insignifiance, avec 9 sièges, à égalité avec le parti religieux Shass (-2).
Face à Moratinos et Kouchner, Lieberman, dans le franc-parler qu’on lui connaît, n’y est donc pas allé par quatre chemins :
« Avant de nous enseigner comment résoudre les conflits que nous vivons ici, j’attends de vous que vous résolviez tous les problèmes dans lesquels l’Europe est empêtrée :
en 1938, l’Europe a décidé d’apaiser Hitler, au lieu de soutenir son fidèle allié, la Tchécoslovaquie et l’a sacrifiée, pour ne rien gagner du tout au final. Nous n’avons aucune intention de devenir la Tchécoslovaquie de 2010 et mettrons l’accent sur les intérêts vitaux d’Israël ».
La tirade aurait ceci de cinglante et de goût étrange qu'il n'est un secret pour personne que le dirigeant israélo-moldave est fréquemment taxé, dans les chancelleries, d'être le représentant de "l'extrême-droite" en Israël, une sorte de cocktail explosif entre Jean-Marie Le Pen et le Führer de l'Allemagne nazie... Avigdor Lieberman poursuivait en nommant l’ensemble des conflits, que l’Occident échoue à résoudre en demandant à ses homologues pourquoi est-ce qu’Israël seul devrait être mis sur le banc des accusés : « Tout se passe comme si la Communauté internationale tentait de maquiller ses propres échecs à résoudre les guerres en Somalie, en Afghanistan, en Corée du Nord, au Zimbabwe, au Soudan et ailleurs, tout en faisant du processus palestino-israélien l’unique accord à imposer en moins d’un an »… « Plutôt que de discuter avec la Ligue Arabe sur le Référendum au Soudan, ou de la situation explosive en Irak, d’ici 2012, il est préférable de faire pression sur Israël. Cela ne peut conduire qu’à l’effondrement des négociations, comme ce fut le cas à Camp David en 2000 ».
Clairement, calmement, Lieberman n’a fait que rappeler à ses visiteurs les règles élémentaires du jeu international : la diplomatie est la poursuite de la guerre d’influence par d’autres moyens. Or, la politique d’apaisement à tout prix observée par l’Administration américaine ne conduit qu’à l’échec et de nouvelles provocations, comme on va y assister cette semaine : Obama retire les troupes d’Irak ? L’Iran y perturbe gravement le jeu électoral, et, cerise sur le gâteau, annonce la reprise en mains de son second pays-satellite, à quelques jets de missiles de l’Europe du Sud : le Liban du malheureux Saad Hariri, contraint de subir quotidiennement les assauts d’Assad et des assassins de son propre père, les sbires du triomphal Nasrallah. Le Hezbollah n’a jamais été que l’agence de communication et de désinformation de l’Iran. Mais ni Kouchner ni Moratinos ne savent lire les communiqués de la presse iranienne.
En prétendant faire, au Conseil de Sécurité de l’ONU, l’économie des négociations stipulant clairement les règles de sécurité et d’engagement propres à la région en cause, le néo-Daladier du Quai d’Orsay aiguise les appétits hégémoniques de voisins remuants, qui, pourtant, lui font des signes de la main depuis la frontière –nord. Aveuglé par la haine -ou le dédain- qu’il porte à son hôte, il ne voit ni n’entend rien, scellant le rôle purement symbolique que l’Europe joue, tant aux yeux des alliés arabes qu’israéliens de l’Amérique, lorsque cette dernière affiche ses faiblesses et sa difficulté à assumer seule la fonction de gendarme du Moyen-Orient. Au lieu de rappeler des lignes fermes, l’Europe « ouverte aux 4 vents » fait exactement le contraire et procède à une dérégulation du marché diplomatique, en incitant aux actes de piraterie et aux prises de pouvoir, partout ailleurs où un dictateur quelconque saisirait une des opportunités que lui offre l’Europe (« l’Europe, l’Europe »…).
Mais Lieberman se trompe. Lieberman a parfaitement tort : le pays (ou supposé tel) qui, à l'heure actuelle, aurait le plus de traits caractéristiques communs avec la Tchécoslovaquie de 1938, ce n’est pas Israël. C’est Bruxelles, à travers son Liban multi-confessionnel et tout ce qui s’y déroule en coulisses comme à la tribune, sous l’œil avisé de ses Ministres symboliques des affaires extérieures. D'ailleurs, l'ONU a, très dernièrement, donné un petit coup de pouce à ce processus de guerre annoncée, en prêtant attention à la vision de "l'Ordre mondial" selon Ahmadinedjad.
Trop diplomate pour leur mettre les yeux en face de l'imminence du chaos? On ne tire pas sur les ambulances du samu-diplomatique européen...