Les autorités émiraties ont annoncé, ce mercredi 09 janvier, que « la justice a commencé l’interrogatoire avec les dirigeantes de la section féminine des Frères musulmans démantelée ces derniers mois ». En décembre dernier, plusieurs islamistes égyptiens ont été interpellés aux Emirats, accusés de comploter contre le pays afin de renverser le régime. Depuis l’été dernier, ce sont plus de 60 cadres et militants des Frères musulmans qui ont été arrêtés. Les Emirats affirment que « la section féminine, ou ce qui convient d’appeler les Sœurs musulmanes, fait partie des structures organiques de la Confrérie ».
Les responsables émiratis, cités par l’agence de presse officielle, affirment que « l’enquête se déroule dans le respect des valeurs islamiques en ce qui concerne des femmes », avant d’ajouter que « ce traitement de faveur ne saurait mettre en cause le précepte de l’égalité devant la justice ni conduire à une quelconque complaisance à l’égard de ces femmes qui ont porté atteinte à la sécurité de l’Etat ».
De son côté, l’avocat des islamistes égyptiens, Abdelmonem Abdel Maksoud, a accusé « les Emirats d’avoir franchi la ligne rouge en arrêtant des femmes proches de membres des Frères musulmans, vivant dans le pays. Il s’agit d’une première inacceptable alimentée par des considérations purement politiques ».
Ces développements attestent de la fermeté des Emirats à lutter contre les activités subversives des Frères musulmans. Les autorités ont rejeté, la semaine dernière, une demande égyptienne officielle de libérer les suspects ; demande formulée lors d’une visite à Abou Dhabi effectuée par une délégation officielle égyptienne, et qui a suscité une vive réaction du Caire qui a accusé le chef de la police émiratie, Dahi Al-Khalfane, de tous les maux.
L’éclatement de ce bras de fer prend une autre ampleur à la faveur du rapprochement opéré entre l’Iran et les Frères musulmans égyptiens. Les monarchies du Golfe s’inquiètent de l’influence croissante de l’Iran en Egypte et redoutent que Téhéran n’exploite les expatriés égyptiens pour déstabiliser le Golfe. En effet, les visites de responsables iraniens au Caire se multiplient, discrètement pour les uns (Qassem Suleimani), et sous les feux des médias pour d’autres (Ali Akbar Salehi).
Le général Qassem Suleimani, chef de la force Al-Quds, puissant bras armé extérieur des Gardiens de la Révolution, aurait récemment rencontré des responsables égyptiens au Caire. Selon plusieurs médias égyptiens, ces derniers, issus des Frères musulmans, lui auraient demandé conseil pour réorganiser les services de sécurité afin de conforter leur pouvoir, de plus en plus contesté par la population égyptienne. Les Frères redoutent en effet le deuxième anniversaire de la révolution (25 janvier) et craignent un soulèvement généralisé, dans le sillage de la mobilisation contre leur constitution islamique, récemment imposée. D’autres sources accusent les Frères de vouloir s’inspirer des méthodes iraniennes qui avaient permis à Téhéran de réprimer et étouffer le Mouvement vert. Le ministre égyptien de l’Intérieur, qui s’est opposé à ce rapprochement avec l’Iran, a été limogé dimanche dernier, dans le cadre du remaniement ministériel.
Selon plusieurs égyptiens, « l’OPA iranienne sur les Frères musulmans se poursuit avec la visite actuelle du ministre des Affaires étrangères, Ali Akbar Salehi, au Caire ». Ce rapprochement pourrait confirmer, selon les Egyptiens, les rumeurs qui ont circulé, pendant et après la révolution contre Hosni Moubarak, selon lesquelles « des unités des Gardiens de la révolution et du Hezbollah, introduits depuis le Soudan, et des membres du Hamas, venus de Gaza, ont contribué aux tueries contre les manifestants pour envenimer la situation et accélérer la chute de Moubarak ». Selon plusieurs sources, « ces commandos avaient attaqué des prisons et fait libérer des détenus islamistes, dont Mohamed Morsi, devenu président ». Si les Frères musulmans ont toujours démenti ces rumeurs, les enquêteurs sur les massacres de manifestants les ont confirmées, sans pour autant apporter les preuves irréfutables de leur exactitude. Aujourd’hui, les Egyptiens retiennent leur souffle et redoutent la transformation de l’Egypte en une « République islamique sunnite, calquée sur le modèle de Wilayat e-Faguih, instauré dans la République islamique chiite d’Iran ».
Dario S.